Témoignages
Le Relais
Le Relais prend à cœur la santé de ses salariés
Qui ne connaît pas les bennes blanches, marquées de bleu, avec un nom : LE RELAIS. Chacun comprend la signification de ce nom. Les vêtements, que l’on ne porte plus, sont utiles… pour d’autres ! Et LE RELAIS de collecter ainsi nos vieux habits. Plusieurs tonnes par an. Et de les trier, chaque jour, un par un. Et de les réorienter : revente ou recyclage. Le personnel, qui effectue ce travail, est en situation de précarité. L’autre but du RELAIS, entreprise à but non lucratif, est de donner une chance de réinsertion à des personnes en difficulté. Faire tourner une entreprise avec du personnel en situation de précarité, c’est aussi s’investir en Santé au Travail. C’est ce que prouve LE RELAIS avec AST 62/59 (Santé au Travail Arras-Béthune). Reportage Spécial pour notre rubrique « Vies des Entreprises ».
Les salariés ont l’habitude de recevoir les convocations annuellement. Cette formation est obligatoire dans notre secteur d’activité d’aide à la personne. Il faut savoir réagir efficacement en cas d’accident, lors d’une chute par exemple. Les gestes qui sauvent ne s’inventent pas et il est indispensable que le personnel les connaisse. La Santé au Travail nous facilite la vie en prenant en charge totalement l’organisation de ces formations. Le retour du personnel formé est par ailleurs très positif. Il s’agit d’une prestation essentielle au bon fonctionnement de l’ASSAD.»
Entreprise à but socioéconomique, LE RELAIS rassemble chaque année 60 000 tonnes de textile dans ses conteneurs blancs bien identifiables. Après une étape de tri réalisée manuellement dans les 15 centres situés sur le territoire, 40% de ces vêtements vivent une seconde vie dans des boutiques d’occasion ou à l’export (vers le Sénégal, par exemple), 45% sont recyclés en chiffons ou isolant pour le secteur du bâtiment (le Métisse ®) et les 15% restants finissent en déchets et sont incinérés. La collecte et le tri, deux étapes essentielles de l’activité du Relais, mobilisent de nombreuses personnes.
C’est un travail titanesque auquel se plient les salariés de l’entreprise, très souvent en situation de précarité qui trouvent à travers cet emploi un tremplin pour renouer avec la vie active : « l’objectif, quand j’ai fondé le Relais en 1984, était de créer de l’emploi pour les jeunes en difficulté qui sonnaient de plus en plus nombreux aux portes d’Emmaüs, créé deux ans auparavant. Nous avions d’abord repris l’activité d’une usine de peinture, LYD France, qui était en difficulté, et cela s’est ensuite étendu aux vêtements et papiers, après avoir découvert une expérience similaire et fructueuse initiée en Belgique, avec “Terre Belgique” », résume Pierre Duponchel, fondateur du RELAIS et PDG de l’antenne de Bruay-La-Buissière, président du RELAIS France.
Pierre Duponchel, PDG du Relais
Aujourd’hui, LE RELAIS compte plus de 1500 collaborateurs en France et en Afrique. Un modèle de réussite en toute discrétion qui est parvenu à conjuguer économie avec solidarité, mettant ainsi au défi les règles établies du capitalisme.
Prendre sa santé à bras le corps
Et faire dans la solidarité, c’est aussi se préoccuper de ses salariés, des êtres « un peu abîmés par la vie » tant sur le plan physique que psychologique, racontePierre Duponchel. Il était donc important, pour lui, de créer des opportunités pour les personnes qu’il emploit afin que celles-ci se réapproprient leur santé. En effet, dans une situation de grande précarité, « la santé est une problématique totalement secondaire » déplore Nadège Evrard, coordinatrice du CHSCT bénévole. L’entreprise a donc souhaité mener des actions pour rendre de nouveau accessible cette problématique aux personnes travaillant au RELAIS. Un CHSCT volontaire (et non élu) a donc été formé et depuis fin 2007, il se réunit tous les mois. Suite à ces réunions, différentes actions de sécurité et sensibilisation sur la thématique santé ont été mises en place : les demandes de ports d’EPI ont par exemple été renforcées et des formations aux premiers secours menées. Des bilans de santé, réalisés par des équipes de l’Institut Pasteur de Lille, qui se sont déplacées pour l’occasion, ont également été proposés, avec un succès indéniable : « nous avons dû proposer une deuxième session pour accueillir tous les salariés qui le souhaitaient », précise Nadège Evrard.
Protocole d’actions avec l’AST 62/59
Avec la Santé au Travail de Béthune-Arras (AST 62/59) et le Dr Bernadette Laurent-Lallau, un projet « Santé Précarité » a été élaboré : « nous avons travaillé par le biais d’un questionnaire anonymisé sur les besoins en termes de santé des salariés. Sur 400 questionnaires diffusés, nous avons eu un bon retour puisque 266 d’entre eux ont été remplis. Cela montrait qu’il y avait une prise en compte de la problématique ». Les risques qui apparaissaient le plus souvent étaient les troubles psychosociaux, par exemple pour les vendeuses en boutique et les troubles musculo-squelettiques pour les opérateurs qui sont affectés au tri des vêtements. Les résultats ont été présentés aux différentes instances de l’entreprise, direction et CHSCT notamment, puis diffusés à l’ensemble des salariés via un dépliant. Enfin, un plan d’actions a été mis en place avec une trame écrite et un travail pluridisciplinaire des équipes de l’AST 62/59, plan finalisé fin juillet 2010 par la signature d’un protocole entre la direction du Relais et l’AST 62/59.
LE RELAIS prend à coeur la santé de ses salariés
Pour le docteur Bernadette Laurent-Lalleau, « le meilleur médecin, c’est la personne elle-même ». Face au personnel du RELAIS, qui est fragilisé par la vie, elle met en application cette conviction. Et de compléter : « il faut aider chacun à trouver sa solution et… on apprend sans arrêt avec eux ! ». Elle connait l’entreprise : 17 ans de maison ! Elle est arrivée comme médecin du travail en 1993, envoyée, à l’époque, par le Service de « Médecine du Travail ». Désuète expression. On parle aujourd’hui de Santé au Travail. D’ailleurs, le service est devenu « l’Association Santé Travail 62/59 ». Et Pierre Duponchel, PDG du RELAIS, de nous dire : « elle connait l’entreprise par l’autre bout de la lorgnette ! ». Aujourd’hui à la retraite, Bernadette Laurent-Lalleau garde une activité auprès du RELAIS. La transition avec le nouveau médecin du travail, le docteur Florence Augait, s’effectue donc en douceur. Un atout pour LE RELAIS, compte tenu de l’ampleur de la tâche à poursuivre.
Au début, les bilans de santé…
S’il faut situer un début à ces actions qui se sont mises en place petit à petit, on peut parler des bilans de santé. L’Institut Pasteur de Lille était venu sur place pour proposer un bilan de santé aux salariés qui le souhaitaient. Et là, première surprise : plus d’inscrits que prévu… Cela a été un moteur pour faire quelque chose. Pour une grande majorité de salariés, leurs difficultés sociales et leur précarité sont telles que « la santé n’est pas la priorité de la personne ». Il faut véritablement les « re-sensibiliser à leur propre santé, et leur révéler leurs propres capacités », nous dit Bernadette Laurent- Lalleau.
Vers l’éducation à la santé
Depuis 2008, une méthodologie de projet est mise en place, avec plusieurs groupes de travail. Dénomination : PREVIE, comme préservons la vie ! L’ensemble constitue un « véritable programme de Santé au Travail », soutenu par de nombreux partenaires : Groupement Régional de Santé Publique, Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, Institut de Santé au Travail du Nord de la France. En décembre 2009, une enquête sur les besoins perçus de santé a recueilli l’opinion de 266 salariés des différents secteurs de l’entreprise. Des priorités ont été définies, avec, à la clé, des protocoles d’action concertée. Avec une finalité majeure : développer l’éducation à la santé.
Des défibrillateurs à la prévention des TMS…
La mise en place de Programme de Santé au Travail est le fruit résultant de plusieurs années de collaborations entre LE RELAIS et la Santé au Travail d’Arras-Béthune (AST 62/59). En 2002, dans le cadre du Programme Régional de Santé pour la prévention des cancers, le dépistage vis-à-vis du cancer colorectal a été proposé en respectant le volontariat, et avec une exposition sur les habitudes de vie favorables à la santé. Sur un tout autre plan, suite à une agression de la part d’un client, un accompagnement psychologique, avec groupe de parole, a été mis en place. Autre projet : en associant le CHSCT, plusieurs défibrillateurs ont été installés, avec, à la clé, des formations du personnel. Toujours avec le CHSCT, des séances de relaxation ont même été mises en place. Une Journée Santé a été organisée. Des études sur le bruit et les émissions de poussière ont été réalisées. Des formations sur le port des Equipements de Protections Individuelles ont été mises en place. Une évaluation sur le risque de Troubles Musculo- Squelettiques va être réalisée, avec le concours de l’Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail. De même, des formations pour la Prévention des Risques liés à l’Activité Physique ont eu lieu. Et il ne s’agit là que d’exemples d’actions collectives. Il ne faut pas oublier les actions individuelles permanentes que sont la consultation médicale, l’entretien infirmier, la consultation sociale, la consultation psychologique.
Signature d’un accord entre AST 62/59 et LE RELAIS
Alain Cuisse, à gauche, s’apprête à signer avec Pierre Duponchel, à droite
Le jeudi 29 juillet 2010, au matin, a eu lieu la signature du Protocole d’Actions Précarité associant l’entreprise LE RELAIS, représenté par son président, Pierre Duponchel, et l’Association Santé Travail 62/59 (Santé au Travail d’Arras-Béthune), représentée par son directeur, Alain Cuisse.
Son objectif est de participer à l’amélioration de l’état de santé des travailleurs précaires : Contrat à Durée Déterminée, Intérim, Temps partiel non choisi. Des séances collectives d’information et de sensibilisation, portant sur des thèmes précis, sont mises en place en complément de consultations adaptées. Après étude des besoins de santé par questionnaire, et en concertation étroite avec l’entreprise signataire, un plan d’action est développé, avec suivi et évaluation. Trois questions à Alain Cuisse, directeur d’AST 62/59 (Santé au Travail Arras-Béthune)
Pourquoi un tel accord ?
Cet accord résulte d’une collaboration soutenue entre notre Service de Santé au Travail et Le Relais. Sous l’impulsion du docteur Bernadette Laurent-Lallau, nous développons dans le cadre de ce protocole une véritable « démarche projet », grâce à Laura Deleligne, qui est notre chargée de projet à AST62/59. Ce protocole officialise donc le principe d’un véritable plan d’actions concertées. Et cela est à souligner. Nous nous engageons sur des objectifs précis et des modalités d’intervention adaptées. L’entreprise s’engage sur les mêmes objectifs et modalités. Il y a un travail préparatoire conséquent, comme il y a un engagement réciproque de moyens sur une période donnée. Avec une évaluation en continu du processus et des résultats.
Ce type d’accord est-il fréquent ?
Ce type d’accord n’est pas fréquent. Le protocole, signé ce 29 juillet 2010, constitue presque « une première ». Il démontre que le mode d’intervention des Services de Santé au Travail est en pleine évolution. En effet, il s’agit de s’engager sur des actions précises, correspondant aux priorités exprimées et identifiées au sein d’une entreprise donnée. Naturellement ceci repose sur une étroite concertation et prend en compte l’expression d’une part et la participation d’autre part de l’employeur et de ses salariés. A noter que le protocole signé comprend un article sur le respect de l’éthique lié à l’exercice professionnel de nos médecins, notamment confidentialité et respect du secret médical.
Ce protocole est-il important pour votre service ?
Oui ! Sans aucun doute. Car il préfigure l’avenir. J’ai la conviction, partagée par de nombreux collègues, que ce type de protocole ou de convention liant une entreprise et son Service de Santé au Travail va se multiplier. Cela ouvre une époque totalement nouvelle, pour nous, afin d’apporter des prestations correspondant aux besoins et aux attentes des entreprises et de leurs salariés. Ce type d’accord peut aussi être passé avec une Branche Professionnelle. Plusieurs Services de Santé au Travail s’y préparent ou le font. Tout cela fait partie d’un mouvement d’ensemble tourné vers l’avenir.
Il faut aider chacun à trouver sa solution et on apprend sans arrêt avec eux !”
Les effectifs du relais
428 salariés à Bruay-La-Buissière
1361 personnes sur toute la France
300 en Afrique
(Publié dans le N°11 : Bien au boulot, bien dans ma vie ? ) le 23/12/2010
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