Témoignages
AST 62-59
Quoi de neuf du côté des pressings?
En 2009, suite à la mise en place d’un groupe de travail au sein du Service de Santé au Travail, cinq pressings sur Lens ont accepté « OSER ». OSER, comme Outil Simplifié d’Évaluation du Risque chimique. En pratique, ils ont reçu la visite de Marion Hochain et Benoît Zaepffel, ingénieurs QHSE (Qualité Hygiène Sécurité Environnement) au sein de leur Service de Santé au Travail, l’AST62-59 (Association de Santé au Travail 62-59). Au cours de cette visite, les produits manipulés et les tâches de travail ont été listés. Tout ceci s’est fait en liaison étroite avec les médecins du travail de ces 5 pressings. À l’époque, le perchloréthylène faisait déjà parler de lui… En 2012, nouvelle méthode et nouvelle approche du risque pour un sujet toujours d’actualité !
Le principe est toujours d’évaluer le risque chimique dans les pressings. Souvent franchisés, les pressings sont nombreux, notamment en ville. Ils ont 1 à 2 salariés en moyenne. Si 90 % des foyers ont une machine à laver, le nettoyage à sec est nécessaire pour nombre d’articles : costumes, robes, tailleurs, chemisiers, linge de table, rideaux, housse de canapé, couvre-lits, etc. L’employé de pressing est en première ligne pour recevoir le client. Et c’est lui qui réalise toutes les tâches : du chargement de la machine au rangement, en passant par le repassage si nécessaire. Connaissant l’ensemble des textiles et travaillant rapidement, l’employé de pressing doit appliquer toutes les règles de sécurité. Certes, l’automatisation en circuit fermé fait des progrès. Mais les produits restent présents et le risque chimique est majeur. En 2012, la méthode proposée par l’AST 62-59 est autrement plus précise qu’en 2009 : analyse informatisée du risque et dosages atmosphériques sont de mise.
Analyse informatisée du risque chimique
« Grâce à un outil informatisé créé par notre service, nous proposons aux employeurs un support d’aide à l’évaluation du risque permettant notamment de mettre en relief les agents Cancérogènes-Mutagènes-Reprotoxiques (CMR). L’utilisation de cet outil nécessite une étude préalable des Fiches de Données de Sécurité des produits manipulés et une étude détaillée du poste de travail», nous précise Benoît Zaepffel.
Dosages atmosphériques, sanguins et urinaires
Deux types de dosages atmosphériques sont entrepris pour connaître l’exposition réelle des salariés au perchloréthylène. Marion Hochain précise leur complémentarité : « Grâce à une pompe de prélèvement portée par le salarié durant toute sa journée de travail, un premier prélèvement d’air est effectué afin de connaître l’exposition journalière du salarié aux Composés Organiques Volatils (COV = solvants comme le perchloréthylène). En parallèle, des mesures instantanées du niveau de COV dans l’air sont également effectuées à l’aide d’un détecteur PID afin de mettre en relief les phases et les tâches de travail les plus exposantes au perchloréthylène et aux solvants. Ces mesures sont réalisées par Marie-Claire Delpierre, toxicologue à l’AST 62-59 ». D’autre part, les salariés ont accepté de participer à des dosages sanguins et urinaires proposés par le médecin du travail. Cette partie est mise en place par Magali Sauvage, infirmière au sein de notre service. Ceci permet alors de raisonner sur l’exposition respiratoire mais également cutanée des salariés exposés au « perchlo »…
Pics d’exposition : prudence !
« Les taux atmosphériques de « perchlo » retrouvés sur un poste complet (8 heures) se situent entre 30 à 40 mg par mètre cube. Soit 8 à 10 % des précédentes valeurs réglementaires (voir encadré). En bonne pratique de prévention, l’objectif est d’atteindre 10 %. Cependant, on a retrouvé des pics inquiétants, notamment lors du raclage des boues. Les taux atmosphériques de perchloréthylène peuvent alors grimper jusque 580 mg par mètre cube, alors que les masques à cartouche ne sont pas toujours portés. De même, attention à l’entretien des masques, au choix et au changement des cartouches : une cartouche peut déjà être saturée, alors que la date de péremption inscrite sur l’emballage n’est pas dépassée ! », nous précise Marion Hochain. Et Benoît Zaepffel complète : « L’ouverture du hublot est aussi un moment critique. Le tuyau d’aspiration doit être placé au-dessus du hublot et les gaines doivent être entretenues. Le stockage et le repassage des vêtements nettoyés sont aussi des moments critiques où du perchloréthylène peut être relargué. Attention également à la routine, qui peut faire oublier les procédures de sécurité ! ». Les deux ingénieurs précisent également que le parc machine se modernise ; les technologies progressent avec, par exemple, le remplissage automatique. Des procédés utilisant des silicones ininflammables arrivent. De même, les installations sont de plus en plus surveillées.
Le perchloréthylène ne doit pas « cacher la forêt !»
Le perchloréthylène, aujourd’hui reconnu cancérogène probable pour l’homme par l’IARC1, est la préoccupation majeure des pressings. Mais il ne doit pas « cacher la forêt » ! Benoît Zaepffel précise : « De nombreux autres produits chimiques sont manipulés, comme des nettoyants pour les machines ou comme détachant d’appoint pour les textiles… Il faut faire attention à ces produits et se procurer les Fiches de Données de Sécurité. L’étude du risque chimique doit également prendre en compte ces produits et ne pas se limiter au perchloréthylène. De plus, il est capital de bien informer les salariés sur les dangers liés à la manipulation de ces produits ». Et Marion Hochain de citer un cas précis : « Dans un des pressings participant à l’étude, un produit de substitution a dû être trouvé pour un détachant, notamment en raison de sa toxicité. La mise en place de cette substitution a été rapide puisque ce nouveau produit était déjà employé dans d’autres pressings».
Restitution et Information
Les résultats de ces études ont été retranscrit dans un rapport remis à l’employeur par le médecin du travail. Afin de respecter le secret médical, seuls les résultats des analyses biologiques n’ont pas été transmis à l’employeur mais envoyés directement au médecin du travail et archivés dans les dossiers médicaux des salariés concernés.
Une plaquette de sensibilisation au risque chimique dans les pressings a été réalisée par Marie-Ange Lesage-Parmentier, assistante en santé au travail à l’AST 62-59. Distribuée directement par le médecin du travail aux salariés vus en visite, elle est disponible sur le site internet de l’AST 62-59 (www.ast6259.fr).
INRS : Institut National de Recherche et de Sécurité.
Nouvelle législation sur les installations utilisant du perchloréthylène
A partir du 1er juillet 2012 : Interdiction de toute nouvelle installation située dans des locaux contigus à des habitations ; suspension de l’activité si valeur de 1250 microgrammes par mètre cube dépassée dans les locaux contigus.
A partir du 1er juillet 2014 : Interdiction d’exploiter une machine de plus de 15 ans.
A partir du 1er juillet 2018 : Interdiction d’exploiter une machine n’ayant pas de marquage NF.
A partir du 1 er juillet 2022 : Obligation de respecter des distances de rejet par rapport au bâtiment voisin.
Attention aux valeurs limites d’exposition au perchloréthylène
Décret 2012-446 du 9 mai 2012 : La valeur limite d’exposition atmosphérique professionnelle devient contraignante avec obligation de contrôle par un organisme accrédité.
• Valeur Limite d’Exposition Professionnelle sur 8 heures : 138 mg par mètre cube d’air
• Valeur Limite d’Exposition Professionnelle à court terme (sur 15 minutes) : 275 mg par mètre cube d’air.
IARC : International Agency for Research on Cancer (Centre International de recherche sur le Cancer)
Le groupe de travail:
Pour réaliser cette intervention dans les pressings, le travail d’équipe a été nécessaire et a permis à chacun d’apporter ses compétences :
Les compétences médicales :
Dr J.P. Alluin, Dr Carrier : Médecin référent du groupe de travail, Dr Cartiere, Dr Duclaye, Dr Facq, Dr Lolivier, Dr Mouldi, Dr Waligora
Les compétences techniques :
Marie-Claire Delpierre : Toxicologue, Marion Hochain : Ingénieur QHSE / IPRP, Marie-Ange Lesage-Parmentier : Assistante en santé travail, Magali Sauvage : Infirmière santé travail, Benoît Zaepffel : Ingénieur QHSE / IPRP.
(Publié dans le N°19 : Machine, mon amie) le 18/07/2012
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