Témoignages

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« La sécurité est l’affaire de tous et de tous les instants »

« En matière de sécurité, le maître d’ouvrage doit veiller, accompagner, contrôler et ne pas fermer les yeux. »

Le Canal Seine-Nord Europe représente 107 kilomètres de canal à créer entre Compiègne et Aubencheul-au-bac, près de Cambrai, pour relier l’Oise au canal de Dunkerque-Escaut. Près de 8 000 compagnons du BTP apporteront leur contribution à ce chantier, qui a démarré cette année à Compiègne, pour une ouverture du canal prévue en 2030. Directeur QHSE de la Société du Canal Seine-Nord Europe, Jean-Charles Marzin répond aux questions d’Entreprise & Santé.

E&S En quelques mots, que représente ce chantier ?

Jean-Charles Marzin : « Il s’agit de réaliser un canal à grand gabarit européen de type Vb, qui permettra donc d’accueillir des bateaux pouvant aller jusque 185 mètres de longueur et 12 mètres de large, pour contenir 4 400 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 220 camions. Pour donner une autre idée de ce chantier, on n’a pas construit de canal en France depuis plus de 80 ans. La mise en eau pourrait prendre 2 ans afin d’économiser la ressource eau. Ce chantier est donc unique ! Outre la sécurité du personnel, une attention toute particulière est portée aux aménagements environnementaux, au développement économique de la région et aux relations avec les riverains. »

E&S Vous intervenez donc au titre de la maîtrise d’ouvrage…

Jean-Charles Marzin : « Tout à fait. La SCSNE est le maître d’ouvrage public. Très schématiquement, la maîtrise d’ouvrage organise, tandis que la maîtrise d’oeuvre assure le suivi de la réalisation des travaux, en conseillant et contrôlant les nombreuses entreprises qui interviennent sur le chantier. Ces entreprises seront responsables sur le plan opérationnel des questions de Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement. Mais, la maîtrise d’ouvrage publique a son mot à dire. A ce titre, nous avons, dans une approche globale, anticipé tous les enjeux, les règles, devoirs et obligations qui s’imposent à chacun, quel que soit l’échelon du personnel sur le chantier. »

E&S Comment se concrétise cette volonté du maitre d’ouvrage ?

Jean-Charles Marzin : « Au-devant du futur exploitant, des collectivités, de l’Union Européenne et de l’Etat, qui lui ont confié la maîtrise d’ouvrage, la SCSNE est garante de quatre priorités : la sécurité du chantier, l’éco-performance (économique et environnementale), le partenariat et la participation, l’innovation. La SCSNE veille à la santé et la sécurité du personnel et des partenaires travaillant sur le projet, des riverains du chantier et du futur canal, des futurs usagers et exploitants du Canal Seine-Nord Europe. Dans ce cadre général, le conseil de surveillance de la SCSNE a approuvé sa politique de prévention sécurité du chantier, par délibération le 24 juin 2022. Cette politique s’impose dans tous les marchés conclus avec les entreprises et groupements d’entreprises. »

E&S Pouvez-vous résumer les grands principes de cette politique de prévention sécurité ?

Jean-Charles Marzin : « En premier lieu, cette politique réaffirme clairement que la sécurité est l’affaire de tous et de tous les instants. Pour cela, trois grandes valeurs s’imposent : la transparence, le dialogue, l’amélioration continue. Il faut promouvoir et développer la culture sécurité : avoir l’adhésion et la mobilisation de chacun pour être précurseur sur la réglementation et les différents codes. Nous devons guider les entreprises, sans omettre les contrôles et le suivi sur le terrain. Personnellement, je me fais un devoir d’être proactif, dans le dialogue et la conduite des 10 actions concrètes et opérationnelles de cette politique. »

E&S Que dire à propos de la transparence ?

Jean-Charles Marzin : « Notre objectif permanent est de faire travailler ensemble les nombreux acteurs, pour avoir plus de poids et de cohérence. Le compagnon est au premier rang : nous devons lui donner des consignes claires et partager avec lui tous les éléments de sécurité de son quotidien. Mais ces consignes s’appliquent également à tout autre intervenant, quel qu’il soit. La démarche est ascendante et descendante. Nous devons avoir connaissance de tout événement, incident ou dysfonctionnement pour en tirer tout enseignement bénéfique à chacun. »

E&S Les dialogues sont donc au coeur de la réussite…

Jean-Charles Marzin : « Bien évidemment ! Et les dialogues se nourrissent de la transparence. En matière de sécurité, rien ne se fait " tout seul dans son coin ". La sécurité se conduit à plusieurs : il faut co-construire avec une multitude d’acteurs, en amont et pendant l’exécution des travaux. S’agissant de la sécurité du personnel, ce dialogue concerne : les employeurs et les agences d’intérim, les services de prévention et de santé au travail autonomes ou interentreprises, la DGSCGC, la Dreets, la Carsat, l’OPPBTP, l’Aract, la FNTP, les gendarmes et les pompiers et j’en oublie. Il associe pleinement les CSPS (Coordonnateur de sécurité et de protection de la santé), l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, les maîtres d’oeuvre, les gestionnaires d’infrastructure. Mais également les riverains et les élus qui les représentent. »

E&S Et pour l’amélioration continue ?

Jean-Charles Marzin : « Le développement de la culture sécurité sur le chantier passe par l’analyse des dysfonctionnements et la valorisation des bonnes pratiques. Chaque facteur de condition de travail dangereuse doit être supprimé et corrigé de manière immédiate. Puis étudié et partagé en termes de retours d’expérience. Le suivi d’indicateurs précis permet de partager dans un objectif d’améliorations continues tout règlement, consigne et bonnes pratiques pour aller plus loin et construire la sécurité de demain. »

E&S Tout cela relève d’une organisation sans faille…

Jean-Charles Marzin : « Oui. Tout à fait. Nous avons adopté dix objectifs opérationnels, portant sur les différentes priorités de la SCSNE. S’agissant de la sécurité du chantier, quatre objectifs sont définis : la mise en place d’un cadre contractuel propice à la sécurité des chantiers, anticiper l’intégration des publics sensibles, sensibiliser tous les acteurs du chantier, développer la culture de l’exemplarité. Chaque objectif fait l’objet d’actions et de procédures précises, suivies par des indicateurs qualitatifs et quantitatifs fiables. Ces actions et procédures sont régulièrement actualisées et enrichies pendant le déploiement des chantiers. Un schéma directeur nous apporte une vue et une cohérence d’ensemble. »

Canal Seine-Nord Europe : quelques chiffres !

  • 107 km de Canal à grand gabarit européen Vb, entre l’Oise (Compiègne) et le canal Dunkerque-Escaut (Aubencheul-au-bac).
  • 62 franchissements routiers, autoroutiers, ferroviaires.
  • 6 grandes écluses.
  • 3 ponts-canaux.
  • Plus de 1 100 hectares d’aménagements environnementaux, avec de nombreux ouvrages et paysages à concevoir.
  • 8 années de chantier et jusque 6 000 personnes mobilisées pour la réalisation.

A terme : navigation de bateau pouvant aller jusque 185 mètres de longueur et 11,40 mètres de largeur, pouvant contenir 4 400 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 220 camions.

E&S Les entreprises intervenantes sont nombreuses et très différentes…

Jean-Charles Marzin : « Effectivement… Les entreprises qui interviendront sont, d’une part, de grands groupes de BTP et, d’autre part, de nombreuses ETI et PME. La volonté du maître d’ouvrage dans le cadre de la démarche Grand Chantier est de créer un cadre contractuel attentif à ces dernières et favorables à leur participation au chantier. Du coup, nous devons prendre en compte des modèles de sécurité et des logiques qui aident et accompagnent les entreprises quels que soient leurs caractéristiques, leurs cultures, leurs métiers et tailles respectives. Il faut obtenir l’adhésion et la mobilisation de chacun. »

E&S Comment obtenez-vous l’adhésion et de la mobilisation de chacun ?

Jean-Charles Marzin : « Nous avons un partage clair des tâches et des rôles, avec un équilibre entre contrôle et pédagogie. Au sein de mon équipe, les chargés de prévention réalisent nombre d’audits et contrôles de terrain. Ils apportent conseils et formation, identifient des situations anormales et assurent le suivi des indicateurs. Sur chaque secteur de chantier, les coordinateurs de sécurité et de protection de la santé (CSPS) inspectent, guident et alertent, en remontant les informations. Chacun de leur PV doit être synthétique, lisible… et exploité ! Les acteurs externes sont nombreux : OPPBTP, Carsat, Inspection du travail, SPSTI. Chacun a mis en place un référent Canal Seine-Nord Europe. La coordination et le partage d’informations sont essentiels. Il y a beaucoup de moyens de contrôles. Il faut surtout partager, sans rétention d’information, pour tirer un enseignement. Il s’agit aussi de coconstruire avec chaque entreprise dont l’expérience est profitable. Pour cela, la maîtrise d’ouvrage tend la main et agit en priorisant la sécurité au quotidien. »

E&S Un dernier mot ?

Jean-Charles Marzin : « En matière de sécurité, le maître d’ouvrage doit veiller, accompagner, contrôler et ne pas fermer les yeux. Il a sa part de responsabilité vis-à-vis de chaque personne présente sur et à proximité des chantiers du Canal. Il faut viser un projet exemplaire, prendre chaque jour le meilleur de chacun et co-construire dans une logique d’amélioration continue. La culture prévention d’aujourd’hui sera la culture sécurité de demain. »

La Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE), établissement public local

La SCSNE est une société de projet et maitre d’ouvrage du Canal Seine- Nord Europe. Elle est dirigée par un Conseil de surveillance présidé par Xavier Bertrand, Président de la Région Hauts-de-France. Ce Conseil de surveillance est composé de 30 membres : représentants de la Région Hauts-de-France, des départements du Nord, de l’Oise, du Pasde- Calais et de la Somme, du Préfet de la Région Hauts-de-France et de représentants de l’État, ainsi qu’un député et un sénateur. Deux représentants de la Commission européenne siègent avec voix consultative.

BIOGRAPHIE EXPRESS

Jean-Charles Marzin, directeur HQSE de la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE)

À 37 ans, Jean-Charles Marzin est directeur QHSE à la Société du Canal Seine-Nord- Europe (SCSNE) depuis novembre 2021. Terminant ses études en alternance, il a d’abord travaillé comme chargé de qualité pour la mise en place de certification dans le secteur bancaire, avant de s’investir dans la Qualité Sécurité Environnement pour le BTP. Après 8 années chez Spie Batignolles sur des chantiers de travaux publics et de travaux souterrains, il intègre la Direction InfraGC de Demathieu Bard où il assume le poste de responsable QSE de l’agence des grands projets. 4 ans après il quitte son poste pour le projet du Canal Seine-Nord Europe. Son cursus lui a permis de développer des compétences en QHSE pour les métiers de la construction, notamment en travaux souterrains, ouvrages d’art, gros oeuvre et second oeuvre, travaux spéciaux, terrassement, construction industrielle. Il maîtrise autant la connaissance technique (intégration des réglementations et des normes, audit et analyse de risques) que le management et la structuration de projet et d’équipes.

(Publié dans le N°60 : Plan Régional de Santé au Travail : il est arrivé !) le 06/10/2022

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