PRST 2016-2020: priorité au dialogue

Le Plan régional santé travail 2016-2020 a été adopté par une instance peu connue : le Coreoct (Comité régional d’orientation sur les conditions de travail). Mis en place par la Direccte Hauts-de-France, le Coreoct réunit les partenaires sociaux. Le 18 juin 2018, une matinée d’échanges a eu lieu à ARRAS. Elle était placée sous la haute autorité de Madame Michèle Lailler Beaulieu, directrice régionale Direccte Hauts-de-France. Entreprise & Santé résume ci-après la table ronde réunissant les partenaires sociaux et animée par Laurence Théry, directrice Aract Hauts-de-France.

« Saisir l’opportunité des nouvelles instances »

Raymond Annaloro, président de région CFE-CGC, attire l’attention sur la disparition du CHSCT. Il faut donc être d’autant plus vigilant sur la mise en place du CSE, pour que la prévention primaire soit une priorité permanente de l’entreprise. Il faut, à ce propos, embarquer tous les acteurs de l’entreprise. Et, notamment l’encadrement. Au-delà des enjeux économiques, la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) est une réalité : il est urgent d’éviter la réparation et de privilégier la prévention primaire.

« Les salariés connaissent leurs métiers »

Georges Boulenger, secrétaire régional CGT souligne que le dialogue social doit être permanent, car les salariés connaissent leurs métiers. Pourtant, des progrès sont encore à faire… car 48 % des entreprises ont leur Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (Duerp). Il faut aussi intégrer le vieillissement de la population au travail. La prévention doit faire partie des programmes de formation professionnelle. A terme, il faudrait pouvoir recruter des salariés déjà sensibilisés. La formation à la prévention chez les apprentis est essentielle.

« Préserver l’expertise du CHSCT »

Pour Onno Ypma, secrétaire général Hautsde- France CFTC, le dialogue social est essentiel, mais il ne faut pas perdre l’expertise acquise par le CHSCT dans la mise en place de la nouvelle instance représentative du personnel, à savoir le CSE (Conseil économique et social). D’autant plus qu’apparaissent de nouvelles formes de travail, qui viennent bouleverser les relations au travail. La formation des élus est ici essentielle.

« La sécurité et la santé : une priorité concertée »

Jérôme Lefebvre, représentant le MEDEF, souligne que les partenaires sociaux ont tous adopté le Plan régional de santé au travail. Il faut donc le mettre en œuvre. Pour cela, le CSE a explicitement des missions en santé et sécurité au travail, qu’il importe donc d’activer. La santé et la sécurité en entreprise sont des priorités essentielles dont les résultats positifs peuvent se mesurer. Ceci concourt au dialogue au sein de l’entreprise. Trois attitudes personnelles sont précieuses : le courage, l’exemplarité et le bon sens.

« Un travail commun »

Jean-Jacques Bouchonnet, conseiller juridique FO, souligne que la santé et la sécurité au travail constituent un enjeu commun au sein d’une entreprise. En d’autres termes : “tout le monde doit tirer dans le même sens”. Le dialogue doit donc fonctionner entre employeurs, instances représentatives du personnel et salariés eux mêmes. Pour nombre d’entreprise, c’est une priorité, voire LA priorité. De la qualité de ce dialogue, dépend le succès des actions de santé au travail. Il en est de même entre employeurs et salariés dans les entreprises sans instances représentatives du personnel. Rester vigilant et cohérent pour se parler en entreprise.

« Former les dirigeants »

Pour Didier Fabre, délégué régional CPME, le métier de dirigeant est complexe et multifacettes. Il ne faut pas l’oublier. La santé du dirigeant est aussi une question cruciale pour l’entreprise. Dans la très grande majorité des cas, une PME qui embauche souhaite garder son salarié. Il faut donc une double approche : préserver la santé du salarié et celle du dirigeant. Pour cela, la sensibilisation, l’information et la formation concerne autant le salarié que le dirigeant. On voit apparaître des indices de bien-être qui ont toute utilité pour objectiver une situation. Parfois, il faut avoir recours à la médiation. Elle peut être utile.

« Toutes les entreprises quelle que soit la taille »

Arnaud Flament, secrétaire régional en charge de la santé au travail à la CFDT, souligne que la sécurité et la santé au travail concernent toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles. Il va donc falloir accompagner toutes les entreprises, avec ou sans CSE. Pour cela, le dialogue intersyndical concourt aussi à la réussite, dans le respect de chacun dans le cadre de son mandat. La Qualité de vie au travail a fait l’objet d’un accord national interprofessionnel en 2013. Il fait consensus. Il faut privilégier les groupes de paroles dans les équipes, quel que soit le syndicat.

>> 532 Millions d’euros
C’est le coût de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles en 2016 pour les Hauts-de-France.
(Source : CARSATDIRECCTE)

>> 2,34 € pour 1 € investi
C’est le retour moyen sur investissement d’une action de prévention dans des entreprises du BTP, avec un délai moyen de 2 ans.
(Source : OPPBTP)

(Publié dans le N°43 : Services à la personne: on en aura tous besoin un jour !) le 11/07/2018

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La prévention primaire : facteur de performance pour l’entreprise

En ouverture de cette matinée, Philippe Sauvage (CGT) et Jérôme Lefebvre (MEDEF), en tant que vives-présidents du GPRO (Groupe permanant regroupant les partenaires sociaux au sein du COREOCT), ont souligné l’importance de la qualité du dialogue au sein de l’entreprise, pour le développement de la prévention primaire. Ceci implique une approche positive de la santé au sein des entreprises. Pour Laurence Théry, directrice ARACT Hauts-de-France, la culture de prévention est facteur de performance. Elle est créatrice de valeur pour l’entreprise. Entreprise & Santé revient ci-après sur quelques messages forts de cette matinée.

« Privilégier l’anticipation »

Pour Muriel Renard, responsable exécutif IREO (Institut Régional d’Education Ouvrière), le temps est à l’anticipation des risques, et non plus à la réparation. En ce sens le travailleur est acteur, dans une logique d’évaluation et de prévention primaire. Dans un dialogue social renouvelé, il faut concevoir un travail qui prenne en compte la santé en amont.

« Une prévention universelle, spécialisée et ciblée »

Citant les travaux de Gordon (1982), le Sophie Fantoni, professeure en médecine du travail et docteur en droit, Université de Lille II, rappelle que la prévention primaire en entreprise est à la fois universelle (ex. : tous les travailleurs), spécialisée (ex. : femme enceinte), ciblée (ex. : risque spécifique). Trois enjeux émergent alors : la coopération entre tous les acteurs, les moyens dévolus par l’entreprise, le suivi de santé individuel et collectif. Tout est question de dynamique positive… au sein et autour de l’entreprise.

« Des chiffres-clés »

Laetitia Chiaroré, chargée d’étude à la CARSAT Hauts-de-France, et Nathalie Delattre, responsable du Service des études, méthodes et de l’appui statistique (SEMAS) à la DIRECCTE Hauts-de-France, livrent des données chiffrées sur la santé au travail et la sinistralité en région Hauts-de-France :

  • En 2016, 58 061 accidents du travail avec première indemnisation (soit 37,5 pour 1000 salariés en Hauts-de-France et 33,8 en France).
  • 62 jours d’arrêt de travail en moyenne par Accident du Travail (65 au niveau national).
  • 67 accidents du travail pour 1 000 salariés dans les secteurs du transport, de la construction et de l’entreposage (37,5 pour 1 000 en France pour le secteur industriel).
  • 5 107 Maladie Professionnelle Indemnisée avec première indemnisation en 2016 pour les Hauts-de-France (soit 3,3 pour 1 000 salariés en Hauts-de-France et 2,6 en France).
  • 5 Maladies Professionnelles pour 1 000 salariés dans la construction et l’industrie.
  • Une maladie professionnelle sur 100 concerne un risque psychosocial (pris en charge hors tableau).
  • En 2016, 532 millions d’euros de frais d’indemnisation pour les risques professionnels, globalement répartis à 50/50 entre Accidents du Travail et Maladies Professionnelles.

« Un retour sur investissement moyen de 2,34 euros »

Pour Marc Soler, directeur régional Hauts-de-France de l’OPPBTP, il faut dépasser le sentiment d’une obligation règlementaire et réconcilier la prévention avec la performance globale de l’entreprise. D’autant plus que les chiffres sont là : sur 210 cas d’actions de prévention étudiées au sein de 107 entreprises, le retour sur investissement a été de 2,34 euros par euros investi, sur une durée moyenne de 2 ans.

« Des aides pour penser prévention primaire en entreprise »

Médecin coordinateur pluridisciplinaire à Action Santé Travail, le Dr Marie-Christine Marek souligne que les équipes des services de santé au travail sont de plus en plus présentes en entreprises, sur le terrain. Des démarches de projet et d’accompagnement sont mises en œuvre dans une relation de proximité avec les entreprises : repérage des situations à risque, transformation des situations de travail, information et formations.
Ingénieur conseil régional adjoint à la CARSAT Hauts-de-France, Laurent Huglo précise que l’accompagnement d’une entreprise consiste à partir de là où elle se situe, pour l’aider à progresser. En intégrant que cette entreprise est un lieu ouvert : fournisseurs, intervenants, utilisateurs, etc. C’est ainsi que la culture de prévention peut prendre, à l’image d’une greffe.
Au nom de la MSA, Carole Bernacki rappelle les spécificités du monde agricole : un plan Santé Sécurité au Travail 2016-2020 intègre également la nécessité de développer la prévention primaire, tant pour les risques animaliers que chimiques. Observer, identifier, évaluer et anticiper sont des règles d’or pour le développement de la prévention.
Adjointe à la cheffe du service santé et sécurité du travail à la DIRECCTE Hauts-de-France, Nabila Ait Eldoudji rappelle que les textes du Code du travail constituent des guides pour développer la prévention des risques à la source, autant que des contraintes légales ou règlementaires. Intégré au Pôle Travail de la DIRECCTE, le corps des inspecteurs du travail a certes un rôle de contrôle, mais aussi de conseil.

De précieux témoignages

Cette matinée d’échanges a bénéficié du témoignage de plusieurs entreprises :

  • TEREOS, avec Valérie Richet, responsable des ressources humaines, et Philippe Gamelin, secrétaire du CHSCT.
  • DECOTTIGNIE, avec Laurent Leclercq, chargé de sécurité.
  • CEDATRA, avec Romain Verschoore, directeur, Maguy Dubray, secrétaire du CHSCT et Régine Froissard, salariée référente.

Ces témoignages ont souligné l’importance de :

  • L’implication de la direction,
  • L’importance de la confiance,
  • La nécessité des coopérations et du dialogue,
  • L’expression des salariés,
  • Le partage d’objectifs communs.

Le développement de la prévention primaire en entreprise est un cheminement quotidien, qui s’accompagne et s’enrichit de résultats concrets.