Patrick Goldstein, Chef du Pôle des Urgences, CHRU de Lille

Partager

« La crise sanitaire est sous contrôle, mais nous devons rester en alerte. La crise économique est là. La crise sociale arrive. Pour moi, nous ne connaissons pas l’après ».

 

« Dès les premiers signes épidémiques, il nous faut freiner la diffusion du virus. Et le monde du travail a un rôle à jouer ».

Les entreprises auront un rôle croissant à jouer dans la protection des populations.

En 1980, Patrick Goldstein est déjà médecin au Samu de Lille. En 2020, il est chef du pôle des Urgences au CHRU de Lille et Chef de service du Samu du Nord. En 40 ans de carrière, il est devenu un observateur privilégié des progrès médicaux… mais aussi des risques auxquels chacun d’entre nous est exposé. Prenant en charge quiconque en situation d’urgence, il est un témoin averti de notre société. Entreprise & Santé le remercie de nous avoir livré son éclairage. 

E&S: Intervenant en situations d’urgence, vous êtes en contact quotidien avec des habitants de toutes conditions : en quoi cette situation de la Covid-19 est-elle inédite ?

Patrick Goldstein : « C’est une situation sanitaire exceptionnelle. Bien sûr, en tant qu’urgentiste, nous sommes préparés à faire face à différentes situations sanitaires. C’est même la base de notre métier !  Si on remonte dans le temps, nous avons géré durant des années les risques traumatiques et les catastrophes naturelles. Puis, nous avons vécu la gestion des situations d’attentats. Notre personnel a été formé. Nous  sommes particulièrement bien préparés à la prise en charge, sur les lieux de l’urgence, des victimes, et de leurs orientations. A présent, nous sommes entrés dans l’ère du risque NRBC : Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques. Avec le coronavirus-Sars-CoV-2, nous sommes dans le risque biologique. Nous avons déjà connu les épidémies de Sars-CoV-1 ou de virus Ebola, les attentats au bacille du charbon… A chaque fois, nous avons déployé des solutions adaptées, tant en matière de personnels que de moyens techniques. Le risque biologique peut durer longtemps. Il est insidieux, car invisible… Après la Chine, on s’attendait au Sars-CoV-2 en Europe. Mais le nombre de personnes touchées et la rapidité avec laquelle le virus s’est propagé en Europe nous a surpris. Très rapidement, en quelques semaines, le nombre de personnes malades est devenu considérable, par rapport aux capacités de notre système de santé… Un peu comme un tsunami ! Nous n’avions pas prévu qu’autant de personnes seraient atteintes, en si peu de temps, et avec des formes aussi graves. Personne ne pouvait le prévoir. Nous étions devant une maladie méconnue. Nous sommes allés d’évolutions en évolutions, tant sur le plan stratégique que thérapeutique. Le système de santé a plié. Mais il n’a pas rompu ! »

 

E&S: Aujourd’hui, comment résumer la situation dans les Hauts-de-France ?

Patrick Goldstein : « Elle est bonne. A l’image de ce qui se passe au niveau national. Il n’y a plus d’impact Covid sur le système hospitalier. Il n’y a plus d’Unités Covid, de réanimation Covid, de filières Covid aux Urgences. Mais attention ! Le coronavirus n’a pas disparu ! Cependant, aujourd’hui, nous détectons rapidement. Nous avons des tests diagnostiques, qu’ils soient PCR par prélèvement nasal, ou sérologiques par prise de sang. Nous pouvons prendre en  charge 90 % des cas au domicile, car leurs gravités est moindre. Le « R Zéro »1, qui mesure la capacité de diffusion du virus au sein de la population, est aujourd’hui inférieur à 1.  Il était à 3, voire plus, lors du pic épidémique. L’épidémie est donc sous contrôle : c’est une réalité. Mais, pour autant, nous ne pouvons pas reprendre « la vie d’avant »… Les mesures barrières restent d’actualité, tout particulièrement dans les transports en commun, les magasins et les rassemblements. À la rentrée, nous ne sommes pas à l’abri d’une reprise de l’épidémie. »

 

E&S: Quels enseignements retirer ?

Patrick Goldstein : « Les valeurs partagées. C’est incroyable ! A l’hôpital, quel que soit le statut, les personnels ont été solidaires dans l’adversité : agents d’entretiens, agents techniques, agents de laboratoires, managers et soignants.  De tout statut. Un autre enseignement doit être tiré. Il est bien différent : ce sont les difficultés que nous avons rencontrées pour fournir des matériels de sécurité aux soignants et obtenir certains produits médicaux. Dans ces conditions, il a fallu développer une débauche d’énergie pour accueillir et prendre en charge les malades. Il a fallu ruser d’inventivité pour trouver des produits en défaut, ou définir des Plans B… La question des stocks disponibles est donc posée. Nous ne pouvons plus dépendre de la Chine ou l’Inde. Nous devons trouver une autonomie de production au sein de l’Europe. »

 

E&S: Peut-on parler d’un avant et d’un après ?

Patrick Goldstein : « Nous avons une capacité de résilience. Je n’en doute pas. Mais la crise n’est pas terminée. Elle a plusieurs étages. La crise sanitaire est sous contrôle, mais nous devons rester en alerte. La crise économique est là. La crise sociale arrive. Pour moi, nous ne connaissons pas l’après. »

 

E&S: Le monde du travail doit-il se préparer à de nouvelles épidémies de ce type ?

Patrick Goldstein : « Bien sûr ! Pour le Coronavirus Sars-CoV-2, le confinement a sauvé plusieurs dizaines de milliers de vies. Des médicaments et un vaccin vont être trouvés. La question de la préparation du monde du travail à de telles épidémies va se poser, dans les années futures, pour d’autres virus. Ces épidémies appartiennent au XXIe siècle. Des règles de protection devront donc être intégrées au sein même du fonctionnement des entreprises, par rapport à ce risque d’épidémies. Ne serait-ce que pour éviter le confinement. Les mesures barrières doivent pouvoir être déclenchées immédiatement sur les lieux de travail, dès les premiers signes d’alerte. De même, la mise en œuvre de tests et de mesures d’isolement devrait pouvoir être rapide, en entreprise. Dès les premiers signes épidémiques, il nous faut freiner la diffusion du virus. Et le monde du travail a un rôle à jouer. Il nous faudra accepter des campagnes de tests en entreprise, pour que la contamination n’ait pas lieu au travail. Cela rentrera sans doute tout naturellement et progressivement dans les mœurs. »

 

E&S: Que souhaitez-vous ajouter ?

Patrick Goldstein : « Je souhaite qu’un nouveau confinement n’arrive pas... Et je suis impressionné de voir comment la majorité de nos concitoyens a respecté les règles du confinement, que nous avons vécu au printemps 2020. A ce titre, je parle même d’un confinement citoyen. Sur un autre plan, le virus n’a pas disparu avec ce confinement… Et il nous faut apprendre à présent à vivre avec… Il nous faut apprendre que de nouveaux virus et de nouvelles maladies vont apparaître, en ce XXIe siècle. »

BIOGRAPHIE EXPRESS

Patrick Goldstein

 

Médecin chef du Pôle des urgences au CHRU de Lille et chef du Service d’Aide Médicale Urgente du Nord, Patrick Goldstein est docteur en médecine, distingué par la Société Européenne de Cardiologie (M.DM F.E.S.C.). Il a été président de la Société Française de Médecine d’Urgence. Toute sa carrière a été consacrée à la médecine d’urgence, avec une préoccupation constante sur la qualité de la prise en charge médicalisée, sur les lieux mêmes de l’urgence, en amont de l’hospitalisation. Il a largement participé au développement des Samu en France : il a connu le 54 22 22… quand le 15 n’existait pas encore ! Etant l’un des concepteurs du Samu mondial, sa notoriété dépasse nos frontières. Sa rigueur et son autorité n’ont d’égal que son humanisme ! Une véritable force dans les situations de crise.

 

1970 : Etudes de Médecine à la Faculté de Lille.

1977 : Interne au Samu de Lille (créé en 1974)

1980 : Doctorat de Médecine

1980-1982 : Assistant Hospitalo-Universitaire au CHRU de Lille

1981 : Anesthésiste réanimateur

2000 : Co-fondateur avec Philippe Lestavel du 1er congrès national de Médecine d’Urgence.

1990 : Chef du Service Médical d’Urgence du Nord

2005 : Chef du Pôle des urgences – CHRU de Lille.

Patrick Goldstein a mené de très nombreux travaux scientifiques sur les soins d’urgence pré-hospitaliers. Il a notamment coordonné des essais nationaux et internationaux multicentriques sur les urgences cardiovasculaires et traumatologiques.

Il est décoré de l’ordre national de la Légion d’Honneur ainsi que de l’ordre national du Mérite. Il est aussi grand amateur d’art et de jazz !

(Publié dans le N°51 : Covid-19: la vie continue) le 07/07/2020

A PHP Error was encountered

Severity: Notice

Message: Undefined index: navSearchListURL

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258

A PHP Error was encountered

Severity: Notice

Message: Undefined index: navURLs

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258

A PHP Error was encountered

Severity: Warning

Message: in_array() expects parameter 2 to be array, null given

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258