Horaires atypiques: QUE FAIRE EN PRATIQUE ?
Le monde du travail évolue. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à adopter des rythmes de travail en horaires atypiques : quelles sont les conséquences pour la santé ? Que peut faire une entreprise si elle choisit d’employer son personnel à ces rythmes de travail ? Quelles sont les mesures à prendre pour limiter les risques ? À ACTION SANTÉ TRAVAIL (A.S.T.), service de santé au travail d’Arras-Lens-Liévin-Béthune, un groupe de travail « travail en horaires atypiques » apporte des réponses. Représentant ce groupe de travail, le Dr Gérard Couteux, médecin du travail à l’AST, répond à quelques questions. L’une des missions du médecin du travail est de conseiller l’employeur et les salariés.
Horaires atypiques… De quoi parle-t-on ?
Tous les rythmes de travail en horaires atypiques impactent le sommeil, l’alimentation, l’organisation de la vie de famille et les activités extra-professionnelles. Les agents de propreté, du domaine des soins, de la production ou du transport commencent tôt le matin et /ou finissent tard le soir. Les aides à domicile, les soignants, les employés libre-service et de la restauration ont des coupures de plus 2 heures dans leur journées de travail. Le rythme de « nuit » fixe se rencontre dans les transports, la production, le gardiennage. Les travailleurs postés avec des rythmes différents quelque fois même à l’intérieur de la même entreprise : 2×8, 3×8, 6×8, VSD (vendredi, samedi, dimanche), poste de 12 h, continu ou discontinu, sens horaire ou inversé voient leurs rythmes biologiques bouleversés, ainsi que leur vie familiale. Ils vivent « en décalé » par rapport au reste de la population, la dette de sommeil s’accumule, les siestes recommandées ne sont pas respectées, les repas sont pris à heures irrégulières, ils sont également exposés à un risque accru d’accidents de la route en lien avec le manque de sommeil…
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
Les travailleurs de nuit, bénéficient d’un Suivi Individuel Adapté (SIA) avec une Visite d’Information et de Prévention (VIP) avant l’affectation au poste par un professionnel de santé (médecin, infirmier, interne, collaborateur) puis une VIP tous les 3 ans, demandées par l’employeur. En cas d’inaptitude à un poste de nuit, si un reclassement n’est pas possible, l’employeur doit le justifier par écrit. L’employeur doit informer le médecin du travail des absences pour maladie des travailleurs de nuit et il a l’obligation d’informer le médecin du travail avant toute décision de mise en place de modifications de l’organisation du travail de nuit. Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. Le travail de nuit est interdit pour les jeunes travailleurs ou stagiaires de moins de 18 ans. (Art. R. 3122-11 à R. 3122-15 du Code du travail).
Quelles sont les recommandations du médecin du travail ?
Voici quelques recoimmandations pour le travail de nuit ou posté :
- Une rotation horaire est conseillée en passant d’un poste du matin, puis d’après-midi puis de nuit.
- Une période courte de 2 à 3 jours suivie de 2 jours de repos est préférable biologiquement.
- Privilégier un début de poste vers 6 voire 7 heures pour le poste du matin, la vigilance au volant ne sera que meilleure.
- Ne pas dépasser une durée de 9 heures pour le poste de nuit.
- La nuit, les tâches physiques sont mieux supportées que les tâches intellectuelles.
- Veiller à un éclairage adéquat (500 lux) en début de poste.
- Réduire les niveaux de bruit qui sont autant de facteurs de stress qui gênent l’endormissement et la récupération.
- Mettre en place des pauses appropriées en permettant une restauration sur place avec repas chauds (3 repas par jour aux horaires les plus réguliers possibles). Éviter le fractionnement des pauses pour aller fumer.
- Une sieste est recommandée pour réduire les troubles de la vigilance et diminuer la somnolence. Sur un poste de nuit, une sieste courte de 20 minutes est conseillée. Elle peut être effectuée avant la prise de poste ou au cours du poste pendant la pause.
- Penser à un plan de déplacement du personnel. La somnolence est maximale avec baisse de la vigilance entre 14 h et 16 h et entre 2 h et 5 h.
Le risque d’accidents de trajet est donc accru. - Garder des postes en 2×8 ou en journée peut permettre un reclassement en cas de restriction. Anticiper sur la gestion de carrière avec un reclassement pour les travailleurs postés entre 50-55 ans.
La femme enceinte peut-elle travailler de nuit ?
La salariée enceinte qui travaille de nuit peut, à sa demande, être affectée à un poste de jour, pendant la durée de la grossesse et pendant la période du congé légal postnatal. Il n’y a pas de diminution de salaire. Si l’employeur ne peut proposer un poste de jour, le contrat de travail est suspendu avec garantie de salaire.
Les sources…
HAS, Haute Autorité de Santé (recommandations de bonnes pratiques), ANSES, Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail INSV, Institut National du Sommeil et de la Vigilance,
INPES, Institut National de Prévention et d’Education Sanitaire INRS, Institut National de Recherche et de Sécurité
ISTNF, Institut de Santé au Travail du Nord de la France PNNS, Programme National Nutrition Santé Loi « Travail » du 8 août 2016 en vigueur à partir du 1er janvier 2017.
Le groupe de travail…
L’interview fait la synthèse des travaux d’un groupe pluridisciplinaire, composé de :
- Dr Gérard Couteux, médecin du travail
- Dr Marie-Noëlle Alluin, médecin du travail
- Dr Marie-Christine Marek, médecin du travail
- Mme Christine Bayart, chargée de communication et documentation
- Jeanine Duquesne, infirmière santé travail
- Magalie Falcon, interne
- Isabelle Levillain, secrétaire médicale
- Christine Petit, assistante santé travail
- Magali Sauvage, infirmière santé travail
Le groupe a élaboré une fiche conseil à disposition des entreprises adhérentes à ACTION SANTÉ TRAVAIL.
(Publié dans le N°42 : Horaires atypiques: quand la ville dort...) le 04/05/2018
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