Virginie Dieu et Bao-Chuong Giang

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Virginie Dieu Médecin du travail référent en toxicologie à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, le docteur Virginie Dieu est membre du « réseau régional CMR1 » et du « Groupe régional Addictions et Entreprise ». Elle pilote le projet COLORISK, dont le site permet à tout peintre (professionnel, apprenti ou amateur) de connaître et maîtriser les risques liés à cette activité.

“ Il existe plusieurs milliers de solvants utilisables dans le cadre professionnel…”

Bao-Chuong Giang Possédant un Diplôme Universitaire de toxicologie industrielle, le docteur Bao-Chuong Giang est médecin du travail à MTA 02 (Médecine du Travail de l’Aisne). Il y est référent du projet « dinamit2 », pour le développement de la traçabilité des risques afn de mieux connaître le parcours professionnel d’un salarié et de développer des études à visée collective.

“Les effets sur la santé sont variables d’un solvant à l’autre…”

Comment définir les solvants ?

BG : Les solvants se défnissent classiquement comme des substances à l’état liquide, capables de dissoudre d’autres substances pour former des solutions. Ce processus n’entraine pas de modifcation chimique ni pour le solvant, ni pour la substance qu’il dissout. Il existe un très grand nombre de solvants dont les plus connus sont l’alcool, l’acétone ou l’eau, par exemple. La plupart sont des substances organiques. Dans le milieu professionnel ils sont très largement employés dans l’industrie et le bâtiment. Ils sont utilisés pour diluer, purifer, dégraisser, décaper,etc.

VD : Effectivement, ils servent à extraire, dissoudre, diluer sans modifcation chimique du solvant comme du produit dissout. Ils sont plus ou moins volatils, et donc plus ou moins inhalables. Attention ! Ils sont très lipophiles, ce qui explique en partie leur toxicité.

Y a-t-il des métiers ou des branches d’activité plus concernés ?

VD : Des milliers de produits sont utilisés comme solvants… il faut donc y penser très souvent ! Par exemple, ils sont utilisés comme dégraissant, diluant ou décapant pour les peintures et les vernis, comme purifant pour les produits pharmaceutiques et les parfums… Le métier de peintre est particulièrement concerné, bien que les peintures à l’eau se développent. Ce métier est par ailleurs classé par le CIRC3 dans le groupe I, c’est-à- dire cancérogène pour l’homme. D’autres activités sont également concernées : plasturgie, mécanique, nettoyage à sec. Sans oublier le secteur phytosanitaire : tant dans la fabrication des produits, que dans leur application.

BG : En effet, les solvants sont utilisés de façon massive comme adjuvants ou diluants dans la fabrication des peintures et des vernis, mais aussi dans la fabrication des colles, des encres et des pesticides. Ils sont également très utilisés comme décapant, comme dégraissant pour le nettoyage des métaux et le nettoyage à sec des textiles. Ou comme purifiant dans l’industrie pharmaceutique pour la fabrication de médicaments. Et dans l’industrie cosmétique, pour la fabrication de parfums.

Quels sont les principaux risques ?

BG : Les effets sur la santé sont variables d’un solvant à l’autre. Néanmoins certains sont communs à l’ensemble des solvants organiques. Ils sont irritants pour la peau et les muqueuses. Une exposition importante, notamment respiratoire, provoque des troubles du système nerveux central qui se manifestent par un syndrome ébrio-narcotique pouvant aller jusqu’au coma en cas d’exposition massive. Certains effets sont spécifques à certains solvants. Des troubles du rythme cardiaque peuvent survenir en cas d’exposition importante à des solvants chlorés. Une exposition cutanée faible mais répétée peut provoquer des dermatoses sous forme de dermatite d’irritation ou d’eczéma de contact. L’exposition chronique est responsable d’un trouble neurologique appelé syndrome psycho-organique qui se manifeste par une fatigue, des troubles de l’attention, des troubles de l’humeur avec une tendance dépressive et pouvant aller jusqu’ à des troubles cognitifs. Le foie, dont le rôle est de détoxifer l’organisme, et les reins celui d’éliminer les toxiques peuvent être le siège de lésion en cas d’exposition répétée. Le benzène et le 2-nitropropane méritent d’être cités.Pour le CIRC, le benzène est classé en groupe 1 : cancèrogène pour l’homme. Le 2 – nitropropane en groupe 2B : peut-être cancèrogène pour l’homme. La barrière placentaire ne fltre pas les solvants et des risques existent pour le développement du foetus en cas d’exposition.

VD : L’absorption se fait principalement par voie respiratoire et cutanée, mais n’oublions pas qu’ils passent également la barrière placentaire. On peut observer des troubles aigus : cutanés certes, mais aussi neuropsychiques, caractérisés par des maux de tête, des troubles de la mémoire, des troubles cognitifs… Attention ! Les conséquences pour la santé peuvent être irréversibles. Des troubles chroniques peuvent apparaître. Notons en effet les cancers du sang liés au benzène, ou les lésions irréversibles du foie et du rein liées aux produits poly-fuorés ou polychlorés… Sans omettre les risques d’avortement spontané ou de fausse couche en cas de grossesse… Il faut être très vigilant sur les « polyexpositions », au cours desquelles plusieurs produits ou risques «cohabitent». Ainsi l’exposition simultanée au bruit et aux solvants, majore l’oto-toxicité4 et le risque de déficit auditif.. Il faut noter que plusieurs Maladies Professionnelles Indemnisables sont rattachées à l’exposition aux solvants.

Quand faut-il donc penser aux solvants ?

VD : Très souvent ! Dans les activités dont nous avons parlées, bien sûr. Mais aussi dans des situations moins évidentes. Par exemple, celles où l’on a besoin ponctuellement d’un dégraissant… Le salarié utilise parfois un solvant « personnel » non répertorié dans le catalogue de l’entreprise. Et pourtant, le risque existe. Il est fréquent que des quantités trop importantes soient utilisées pour dégraisser par exemple. Le risque d’inhalation est donc majoré.

Quelles précautions prendre ?

VD : Dans les secteurs directement concernés, il faut « faire la chasse aux produits inutiles » et réduire les quantités utilisées. Attention à ne pas se laver les mains avec les solvants ! Les salariés n’ont pas toujours conscience des risques pris : la peau est fragilisée et le solvant passe dans la circulation générale plus facilement… Attention à ne pas laisser un chiffon imbibé à l’air libre… Combattre la méconnaissance est une priorité : se renseigner, prendre connaissance des Fiches de Données de Sécurité. Il ne faut pas hésiter à consulter le médecin du travail, les Intervenants en Prévention des Risques Professionnels, les Assistants Santé Travail. Rappelons que l’information et la formation des salariés aux risques de l’entreprise sont une obligation à charge de l’employeur. Si un salarié exposé aux solvants présente un problème hépatique ou rénal, il doit en parler à son médecin du travail. Les femmes enceintes doivent être particulièrement informées et vigilantes. Bien sûr, les conseils de prévention habituels s’appliquent : travailler dans un lieu aéré, réaliser un captage d’air si nécessaire… Le cas échéant, les mesures de taux atmosphériques fournissent de précieux renseignements.

BG : Effectivement, le principe est de supprimer ou de réduire au plus bas niveau l’exposition professionnelle, c’est-à-dire empêcher les contacts directs des solvants avec la peau ou le passage dans l’organisme par inhalation. La première précaution serait d’identifier les solvants les plus à risque soit par leurs dangerosités soit par la manière de les utiliser pour envisager de les substituer par un produit ou un procédé moins dangereux. Les mesures de prévention technique collective doivent toujours être envisagées avant les mesures de prévention individuelle. La ventilation générale des locaux doit être suffi sante. Un dispositif d’aspiration peut être installé au plus près des sources des émissions de vapeurs. L’efficacité des dispositifs peut être évaluée par la métrologie pour certains solvants, dont les résultats pourront être comparés avec des valeurs limites d’expositions professionnelles fixées par la règlementation. Le port des EPI5 doit être envisagé qu’en cas d’efficacité insuffisante des mesures collectives mises en place. En fonction du procédé d’utilisation du solvant, le moyen de protection individuelle peut être le port de gants adaptés, des lunettes, des vêtements voire l’utilisation d’un masque respiratoire. Des précautions également sont à prendre pour le stockage des solvants en veillant à la fermeture des contenants en dehors de toute utilisation. L’étiquetage doit bien correspondre au contenu. Une Fiche d’information du produit synthétisant les risques et les précautions à prendre facilement disponible et consultable peut aider à informer les utilisateurs sur la conduite à tenir lors de la manipulation.

Quels conseils majeurs donner à une TPE ou une PME ?

BG : Une première mesure pour une TPE ou une PME serait avant tout de bien connaître les risques présents dans leur établissement pour pouvoir ensuite envisager les mesures de prévention à prendre. Ça passe en premier lieu par la réalisation d’un inventaire des produits utilisés ou stockés et de se fournir les Fiches de Données de Sécurité de manière à pouvoir repérer au moins les produits les plus à risque. Malheureusement, sur le terrain, nous constatons souvent une réelle négligence sur cet aspect. Une seconde mesure serait de bien informer les utilisateurs sur les risques des solvants et les moyens de préventions à prendre pour réduire au mieux l’exposition, qu’elle soit professionnelle ou même à domicile. Nous voyons encore un certain nombre de salariés utiliser des solvants organiques pour se laver les mains des salissures de peintures ou de vernis.

VD : En complément, je donnerais deux conseils : substituer le produit par un équivalent moins dangereux, et diminuer les quantités utilisées. Le risque chimique étant difficile à cerner, le service de santé au travail est là pour aider à l’appréhender.

« Toujours substituer les produits si cela est possible, et diminuer les quantités utilisées »

1 – Cancérogène Mutagène Reprotoxique
2 – Logiciel de Santé au Travail développé par Intégral Data Santé
3 – Centre International de Recherche contre le Cancer
4 – Atteint irréversible de l’oreille interne conduisant à la baisse de l’audition, voire la surdité
5 – Equipement de Protection Individuelle

(Publié dans le N°27 : Les solvants sont partout...) le 11/08/2014

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