Dr Dominique Mollet, Dr Jean-Francis Lepoutre : la médecine du travail : un monde passionnant !

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Le docteur Dominique Mollet a été médecin conseil auprès de l’Assurance Maladie pendant 17 ans. Le docteur Jean-Françis Lepoutre a été médecin généraliste pendant 29 ans. Tous deux ont un point commun : chacun a décidé de devenir médecin du travail. Pour cela, ils ont intégré le CEDEST (Centre pour le Développement de la Santé au Travail à Dunkerque), en tant que collaborateur médecin. Au terme de quatre années sous ce statut, ils obtiendront la qualification de médecin du travail auprès du Conseil de l’Ordre des Médecins. De fait, les collaborateurs médecins ont un regard « neuf » sur la médecine du travail, tout en ayant des années d’expérience de la médecine. Merci à Dominique Mollet et Jean-Francis Lepoutre d’avoir accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé.

Pouvez-vous résumer votre parcours ?

Dominique Mollet : Après mes études, j’ai exercé plusieurs années au Portugal. Puis, j’ai fait des remplacements en France, avant de devenir, en 1994, médecin-conseil au sein de l’Assurance Maladie. J’ai été médecin chef de service adjoint à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Lille-Douai. En 2012, j’ai intégré le CEDEST comme collaborateur médecin.
Jean-Francis Lepoutre : Pour ma part, j’ai exercé la médecine générale pendant 29 ans, dans un cabinet de ville. Nous étions deux médecins associés. J’ai intégré le CEDEST comme collaborateur médecin, en décembre 2015.

Quelles idées aviez-vous de la Santé au travail et de la Médecine du travail ?

Jean-Francis Lepoutre : J’ai plusieurs amis, qui sont médecins du travail. J’ai toujours beaucoup échangé avec eux. Etant médecin de soins à la SNCF, j’avais des contacts réguliers avec les médecins du travail. Enfin, avant de franchir le pas, j’ai passé une journée complète avec un médecin du travail du CEDEST. Tout ceci a conforté mon choix, en ayant une connaissance précise de la profession.
Dominique Mollet : Dans le cadre de mes fonctions de médecin-conseil, j’ai toujours eu des relations très fréquentes avec les médecins du travail, ne serait-ce que sur les questions d’aptitude ou d’inaptitude. Une amie, médecin du travail dans une grande entreprise de la sidérurgie, m’a toujours parlé de son métier avec passion.

Qu’avez-vous découvert ?

Jean-Francis Lepoutre : Toutes les connaissances à acquérir. Sur trois champs : l’entreprise, la législation, le maintien dans l’emploi. D’abord l’entreprise : son organisation, les techniques de fabrication ou de travail, la multiplicité des risques présents, etc. C’est un champ immense de connaissances nouvelles, me conduisant à des découvertes chaque jour ! Le champ législatif ensuite. Il est très pointu. De nombreuses notions sont à acquérir. Enfin le champ du maintien dans l’emploi, avec tous les acteurs et les dispositifs à associer. Il s’agit d’un véritable cheminement à organiser avec et pour le salarié. On connaît mal cette complexité dans le cabinet de médecine générale. Enfin, la société change. Et le métier de médecin du travail évolue.
Dominique Mollet : Quand je suis arrivée, j’avais l’impression que beaucoup de choses étaient déjà faites pour la santé au travail, au sein des entreprises. En fait, il y a encore beaucoup de choses à faire… pour que les regards portés sur la santé au travail évoluent. Et j’ai ainsi mesuré l’étendue de tout ce qu’il possible et souhaitable de faire. Nous avons beaucoup de choses à apporter aux entreprises, pour être toujours plus pointus, plus performants.

Comment décrire votre « nouveau métier » par rapport à votre pratique médicale antérieure ?

Dominique Mollet : L’approche individuelle ne change pas. Quel que soit le type de médecine, la relation à l’autre ne change pas. Les gens échangent en confiance sur la base d’une relation individuelle privilégiée. Ce qui est nouveau pour moi, c’est l’aspect technique. On doit connaître les processus de travail et, surtout, comment font les salariés au poste de travail. Voir et analyser les situations de travail, c’est passionnant ! Au CEDEST, nous suivons, notamment, des entreprises de la métallurgie, de la pétrochimie et de l’agro-alimentaire. Ces connaissances techniques des processus de travail ne sont pas séparables de l’activité médicale elle-même. En médecine du travail, il faut trouver un équilibre entre la médecine, la technique et la connaissance de la législation. Tout en prenant en compte la hiérarchie et le fonctionnement de l’entreprise concernée.
Jean-Francis Lepoutre : Je suis complètement d’accord. J’ajouterais que, d’un travail solitaire dans mon cabinet, avec des correspondants, je suis passé à un travail d’équipe. Avec infirmière, assistante, intervenant en prévention, etc. Et avec de nombreux contacts, très différents, au sein des entreprises. C’est un monde à connaître. C’est effectivement passionnant !

La relation avec un salarié en santé au travail est-elle différente de la relation avec un patient ?

Dominique Mollet : Pour moi : non. Avant tout, il faut rester médecin, et avoir une relation privilégiée de confiance avec chaque salarié dans ce cadre. En pratique, on apporte une plus-value médicale dans la vie de l’entreprise et de ses salariés.
Jean-Francis Lepoutre : Je suis d’accord. Il n’y a pas de différence fondamentale dans la relation avec les gens, au sein d’un cabinet médical classique et celui du médecin du travail.

Comment décrivez-vous votre rôle auprès des entreprises et des employeurs ?

Jean-Francis Lepoutre : Nous avons un rôle d’information, de conseil et d’écoute. Souvent l’entreprise n’est pas à l’aise avec le domaine de la santé, domaine qu’elle connaît mal et dont elle a une connaissance limitée, en raison notamment du secret médical. L’entreprise est donc souvent en porte à faux entre cette connaissance parcellisée, ses obligations législatives et son besoin de productivité.
Le médecin du travail, de par sa connaissance des différents domaines, permet d’éclairer l’employeur sur la situation et de proposer des solutions.
Nous avons également un rôle de conseil : beaucoup d’entreprises nous interrogent sur l’organisation du travail, les produits utilisés, les nuisances, etc. Les réunions de Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail sont des moments intéressants et privilégiés : chacun réagit selon sa perception. Nous avons ce rôle de conseil, auprès des salariés et des chefs d’entreprise. C’est-à-dire, à tous les niveaux de l’entreprise. Pour cela, il faut une relation de confiance et de dialogue. Cette relation se construit si on est présent sur les lieux de travail : écouter – observer – comprendre puis réagir.
Dominique Mollet : Je suis tout à fait d’accord. L’écoute est une dimension fondamentale. Il y a un très grand besoin d’écoute à tous les niveaux d’une entreprise. Cette écoute doit être mutuelle.

Que diriez-vous à un confrère qui hésiterait à faire « médecine du travail » ?

Dominique Mollet : Il faut savoir apprécier la variété des tâches, des activités et des rencontres… Nous travaillons dans des milieux très différents, avec des professions très différentes. C’est très intéressant de passer d’un sujet à un autre. En plus, notre fonction est très utile. Elle répond à des besoins réels. S’ils sont satisfaits, les chefs d’entreprises et les salariés n’hésitent pas à nous le faire savoir !
Jean-Francis Lepoutre : C’est la découverte d’un monde nouveau. Une vision différente de la médecine. Découvrir le monde de l’entreprise : c’est un véritable bain de jouvence pour un médecin qui a plusieurs années d’exercice en ville ! Et, comme je le disais, c’est un véritable travail d’équipe, comportant des échanges avec des gens très différents. Il faut suivre un médecin du travail, une journée, avant de prendre une décision. Voire plusieurs médecins du travail. Car, c’est un métier très personnel et non standardisé. Les salariés et les chefs d’entreprise ont effectivement besoin de nous. Je suis tout à fait d’accord.

Quel conseil donner à un chef d’entreprise, notamment TPE ou PME ?

Jean-Francis Lepoutre : Il faut rencontrer son médecin du travail. Ne pas hésiter à échanger. Apprendre à le connaître ! Faire connaissance : c’est comme cela qu’un travail peut débuter. Cela permet de faire tomber les préjugés. Il y en a des deux côtés… Il nous faut arriver à un respect mutuel. Nous sommes partenaires, pour le développement de la santé des salariés et donc, de l’entreprise.
Dominique Mollet : Apprendre à apprécier son service de santé au travail. Souvent, les chefs d’entreprise sont étonnés de ce que nous faisons. Prenons le temps d’échanger ! Prenons rendez-vous tous les deux ans, pour faire le point. Il nous faut expliquer notre métier et notre équipe. Une simple visite de courtoisie s’avère souvent productive… Les chefs d’entreprise ont aussi besoin de se poser, de livrer leurs points de vue, de temporiser, et d’écouter ! Cette écoute doit être mutuelle !

La santé des salariés est un facteur de performance de l’entreprise. Le médecin du travail a pour mission de protéger la santé des salariés. En ce sens, pour moi, il ne peut pas être un frein à la performance de l’entreprise »

4 500 médecins spécialistes. Et demain ?

Le médecin du travail est un médecin spécialiste comme votre cardiologue, pneumologue, dermatologue, etc. Même cursus. Même nombre d’années d’études. Même qualification de médecin spécialiste.
Ses connaissances sont multiples : toxicologie, ergonomie, épidémiologie, etc. Son choix est d’apporter ses connaissances médicales, son expertise et son expérience :
- à l’employeur et à son salarié (approche individuelle),
- à l’entreprise (approche collective).
En France, il y a actuellement 4 500 médecins du travail. Ils travaillent en équipe avec d’autres professionnels (infirmiers de santé au travail, assistant de santé au travail, Intervenants de Prévention des Risques Professionnels, etc.).
Pour devenir médecin du travail, trois voies possibles :
• Choisir la spécialité de médecin du travail au cours de ses études de médecine.
• être déjà médecin et se reconvertir en passant l’internat en médecine du travail (concours européen), d’une durée de 4 ans.
• être médecin et se reconvertir en devant collaborateur rémunéré d’un médecin du travail et suivre une formation qualifiante, d’une durée de 4 ans.
Le médecin du travail de demain n’est pas celui d’hier. Avis aux vocations !

(Publié dans le N°36 : La santé au travail a 15 ans !) le 10/10/2016

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