Danièle Vanberkel, Secrétaire générale de l’ISTNF. En santé au travail, le succès repose sur la pluridisciplinarité et le dialogue

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L’ISTNF…“un carrefour d’échanges” entre les institutionnels, les scientifiques, les professionnels et les entreprises. Mais aussi un “lieu ressources”, au sein duquel la dimension universitaire est essentielle et fondamentale.

En entrant dans les années 80 à l’Institut de Médecine du Travail du Nord de la France, Danièle Vanberkel se doutait-elle qu’elle y ferait carrière ? La réponse est sans doute…non ! Et pourtant, en 2015, elle prend une retraite méritée, en tant que secrétaire générale de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. En 35 ans de vie professionnelle, elle a été un témoin privilégié du passage de la « Médecine du Travail » à la « Santé au Travail ». Toujours à l’écoute des anciens et à l’affût des innovateurs, elle porte un regard très averti sur ce changement qui permet aux médecins et équipes santé travail d’adapter les pratiques d’évaluation et de prévention aux besoins des entreprises et en particulier les très petites. Ce regard s’est aguérri tout au long de ces années avec les approches avantgardistes et les dynamiques partenariales développées par les Professeurs FURON et FRIMAT responsables de la discipline médecine du travail à l’Université Droit et Santé de Lille 2 et assurant successivement la présidence de l’Institut.

E&S: Comment résumez-vous ce passage de la Médecine du Travail à la Santé au Travail ?

Danièle Vanberkel : Dès que j’ai connu des médecins du travail, je me suis dit : mais comment font-ils pour assurer leur mission ? Le législateur a écrit que le Médecin du Travail devait «… éviter l’altération de la santé des salariés… » Ce n’est pas une mince affaire ! Au médecin, on attache la notion de diagnostic, grâce à l’écoute du patient et des examens médicaux pratiqués. Le médecin du travail lui, doit écouter le salarié ET l’entreprise. Ainsi, il doit assurer le suivi santé des salariés et être le conseiller de l’entreprise dans les domaines de la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail. Cela implique des connaissances interdisciplinaires se rapportant à différents métiers (toxicologue, ergonome, psychologue…). Par ailleurs, le métier de médecin du travail, à notre avis, ne s’exerce pas de la même façon dans une entreprise qui dispose de services techniques et d’instances représentatives du personnel, d’un comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail et le médecin du travail qui intervient pour une petite entreprise, voire une toute petite entreprise adhérente à un service interentreprises de santé au travail dès l’embauche de son premier salarié. Dans ce cadre, le médecin du travail a en charge un nombre conséquent de petites entreprises. Or, la réglementation en santé travail est identique pour tous. Ainsi l’approche par la santé travail a favorisé les interventions en équipe pluridisciplinaire. En Région, cela est un enjeu important qui a fait l’objet sans attendre la réforme de santé travail de formations et d’actions expérimentales au sein de services soutenues par l’ensemble des partenaires.

“Le médecin du travail, en fonction des besoins de l’entreprise, peut intervenir aujourd’hui avec des ergonomes, des ingénieurs ou techniciens HSE, des psychologues du travail, des infirmiers de santé au travail, des assistants de santé au travail, des toxicologues, des assistants sociaux…”

E&S: Mais le médecin du travail n’est plus tout seul à intervenir au sein d’une TPE !

Danièle Vanberkel : C’est exact. Les services interentreprises de santé au travail disposent d’équipes pluridisciplinaires. Le médecin du travail, en fonction des besoins de l’entreprise, peut intervenir aujourd’hui avec des ergonomes, des ingénieurs ou techniciens HSE, des psychologues du travail, des infirmiers de santé au travail, des assistants de santé au travail, des toxicologues, des assistants sociaux… J’ai connu l’époque où le médecin du travail n’avait que sa secrétaire médicale ! Or, on ne peut pas prononcer une aptitude médicale ou conseiller une entreprise, sans connaître les risques liés au travail au sein de cette entreprise. L’histoire a reconnu que le médecin du travail ne pouvait pas tout faire tout seul. Il est le lien nécessaire entre toutes ces compétences. Dans cette équipe, il est le seul à avoir une compétence médicale. Pour moi, avec cette pluridisciplinarité, la santé au travail a apporté un sens nouveau à la médecine du travail. Même si elle n’est plus annuelle, la visite médicale est indissociable de cette connaissance multidisciplinaire du travail et de l’entreprise.

E&S: Cette évolution a-t-elle impacté le champ universitaire ?

Danièle Vanberkel : L’Institut de Santé Travail est une passerelle entre le monde hospitalo-universitaire, les médecins, équipes et services de santé au travail et l’ensemble des partenaires de prévention. J’ai eu la chance de travailler avec le Professeur FURON véritable pionnier du passage de la Médecine du Travail à la Santé au Travail et le Professeur FRIMAT qui s’est attaché dans la suite à développer les dynamiques de réseau, les recherches et les formations pluridisciplinaires, impulser les actions innovantes dans le cadre des politiques régionales de santé, et rapprocher les disciplines au sein de l’Universite du droit de la santé au travail. Dans les années 70, Le Professeur Furon a créé le GERN : Groupement d’Ergonomie de la Région Nord, première association pluridisciplinaire en santé au travail… Déjà, de nombreux médecins du travail cherchaient des formations complémentaires à leur formation initiale, notamment en ergonomie, en toxicologie. Ces médecins du travail ont ainsi fait naître la pluridisciplinarité dans leurs approches professionnelles. Mais les approches universitaires et les approches de terrain sont différentes. Notre force, à Lille, à l’époque, a été de reconnaitre l’activité des médecins du travail . Nous étions déjà dans les dynamiques de réseaux de compétences. Outre des missions de recherche et de formation continue, l’Institut facilitait le lien entre les directions de services de médecine du travail et les médecins du travail, dont l’indépendance professionnelle doit être garantie. La Faculté de Médecine, à l’époque, hébergeait l’Institut, qui, grâce au financement de la Cramnp (devenu Carsat) mettait en contrepartie, à disposition des étudiants et des médecins du travail en exercice, un centre de documentation spécialisé, unique en France .

E&S: Le rôle de l’Etat a-t-il évolué ?

Danièle Vanberkel : Les services de santé au travail, (ex services de Médecine du Travail) sont toujours placés sous la tutelle du ministère du Travail. Cependant, dans le cadre de la modernisation de ses services déconcentrés en région, les administrations ont été regroupées, ainsi au niveau travail, la Direction Régionale du Travail est devenue la DIRECCTE (DIRection des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi…). La santé est gérée par l’Agence Régionale de Santé. Des plans nationaux en santé et en santé travail sont élaborés et déclinés en région. La définition de priorités concertées constitue un levier incontournable. Pour les services de santé au travail, la tutelle a évolué. L’agrément n’est plus seulement donné sur des critères de conformité ; il est accompagné aujourd’hui de la signature d’un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens, établi entre le service de santé au travail, la Direccte et la Carsat (Caisse de Retraite et de Santé au Travail, c’est-à-dire l’Assurance Maladie-Risques Professionnels). Celui-ci doit être en adéquation avec les objectifs des plans régionaux. Ceci repose également sur le dialogue entre les partenaires sociaux. L’Etat en est le garant. Les approches sont de plus en plus globales et de moins en moins cloisonnées. Dans ce cadre institutionnel, l’Institut aide au développement d’actions régionales innovantes et participe à l’animation régionale des professionnels de santé travail, favorisant ainsi les avancées de la santé travail et les coopérations de réseau .

E&S: Dans le Nord – Pas-de-Calais, le Conseil Régional s’est investi en Santé Travail. C’est unique en France…

Danièle Vanberkel : Tout d’abord, il faut resituer le sens général de l’histoire… Dès les années 1985, la Région Nord – Pas-de-Calais a été l’une des rares en France à avoir un Contrat de Plan Etat-Région dans le domaine de la santé et de la prévention. La création du GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) Travail et Santé, en 1985, sous l’impulsion des Ministères du Travail et de la Recherche pour l’Etat et de la Région Nord – Pas-de-Calais, en tant que collectivité territoriale a été très novateur et a représenté les prémices des premières recherches appliquées en santé travail. Puis, le GIS est devenu le Groupement d’Intérêt Public CERESTE, centre de recherche appliqué et pluridisciplinaire en santé au travail. Le CERESTE, fédérait sous l’égide d’un Conseil Scientifique indépendant, des moyens de l’Etat, de l’Université, de l’Assurance Maladie et du Conseil Régional, et par l’action de l’Institut permettait le développement de recherches et d’action de valorisation auprès des médecins du travail et des entreprises. Avec le Livre Blanc, publié en 1999, l’Institut a misé sur le développement du dialogue entre toutes les parties prenantes en Santé au Travail. Le congrès National, organisé en l’an 2 000 a été un temps très fort de ce dialogue. Il a été aussi précurseur du décloisonnement santé travail/santé publique. C’est ainsi que, dans le prolongement de cette dynamique, le Conseil Régional Nord – Pas-de-Calais, au titre de sa compétence pour le développement de l’action économique, a initié en partenariat avec l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France et l’appui des services des santé au travail le programme « Bien-Etre au Travail » visant à renforcer le soutien auprès des TPE pour la maîtrise des risques professionnels. Le développement d’une Plate-forme régionale de Formation pluridisciplinaire en Santé-Travail, en liaison avec l’université et l’ensemble des partenaires concernés, replace également la formation tout au long de la vie au centre des approches pluridisciplinaires.

E&S: Comment résumer toutes ces évolutions depuis 35 ans ?

Danièle Vanberkel : Je me place sous l’angle de l’Institut. Il y a 35 ans, l’Institut était un outil en appui des médecins du travail en formation ou en activité. C’est ainsi que grâce à des fonds provenant de l’assurance maladie et de l’hébergement par la Faculté de Médecine, ont été mis à disposition un centre documentaire dédié et un laboratoire de toxicologie professionnelle, tout en développant l’ergonomie et la recherche. Je dirais qu’aujourd’hui l’Institut est un « outil tactile » au sens où il est devenu un « carrefour d’échanges » entre les institutionnels, les scientifiques, les professionnels et les entreprises. Mais c’est aussi un « lieu ressources », au sein duquel la dimension universitaire est essentielle et fondamentale.

E&S: Quels conseils donner à une TPE ou une PME ?

Danièle Vanberkel : Ne pas rester seule. A travers son médecin du travail, les équipes pluridisciplinaires et son service de santé au travail, le chef d’entreprise et ses salariés ont accès à un large réseau de compétences, dont la TPE peut bénéficier pour son développement. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, la maîtrise des risques professionnels la promotion de la santé et du bien-être au travail constituent autant de dynamiques qui protègent l’entreprise des aléas et concourent à sa performance.

BIOGRAPHIE express DANIÈLE VANBERKEL

Après un passage dans la direction des services du cabinet de la Préfecture de Région, puis cinq années au comité pour le développement de la médecine du travail de Lille, Danièle Vanberkel est sollicitée par le Professeur Furon pour organiser le 26ème congrès national de Médecine du Travail de 1982. Elle intègre alors l’Institut de médecine du travail, qui deviendra l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. L’Institut est une association née en 1946 dans le berceau universitaire et soutenu pendant de longues années par la CRAM Nord Picardie, en tant que relais d’information et d’expertise auprès des professionnels ou acteurs de la médecine du travail. L’ouverture d’esprit et l’investissement sans faille des Professeurs Daniel Furon et Paul Frimat, responsables de la discipline Médecine du Travail à la Faculté de Médecine et successivement Président de l’Institut sont un gage de la réussite et de l’utilité sociale de l’association.
• 1976-1980 : Comité pour le Développement de la Médecin du Travail – Lille (devenu PÔLE SANTÉ TRAVAIL Lille Métropole).
• 1981-1982 : organisation du 26ème Congrès national de Médecine du Travail.
• 1983-2015 : Responsable administrative et financière puis en 2001 Secrétaire générale l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. Pendant cette période, elle a assuré concomitamment la responsabilité de gestion du GERN (1981- 1994) ; du GIS Santé Travail (19861990) ; du GIP Cereste et de la Maison Régionale de Promotion de la Santé (1992-2006).
Danièle Vanberkel a toujours montré beaucoup de disponibilité dans son métier. Elle a également contribué au décloisonnement de la Santé Travail/ Santé Publique, en assurant la responsabilité administrative la Maison Régionale de Promotion de la Santé (regroupement d’associations).

(Publié dans le N°30 : Audition et travail: entendre pour mieux s'entendre!) le 27/04/2015

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