Brigitte Pamart, Coordinatrice du thème Pénibilité au 33ème Congrès national de Santé au Travail Lille 2014.

Partager

De par son parcours professionnel, Brigitte Pamart connaît le monde du travail, aussi bien au sein de petites et moyennes entreprises qu’au niveau d’un grand groupe industriel… C’est toujours avec brio qu’elle parle de santé au travail, en étant très vigilante à respecter l’expression des salariés et des employeurs. Question d’éthique ! Médecin du travail depuis 1989, elle est restée en contact permanent avec le monde universitaire et l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. C’est donc tout naturellement qu’elle a accepté d’être la coordinatrice du thème Pénibilité, véritable « fil rouge » du 33ème congrès national de santé au travail. Ce congrès s’est tenu à Lille en juin 2014. Le comité scientifique était présidé par le professeur Paul Frimat. Il a réuni plus de 3 000 professionnels et scientifiques venus de toute la France.

E&S: Comment définir la pénibilité au travail en 2014 ?

BP : Il faut prendre connaissance des six décrets parus au Journal Officiel du 10 octobre 2014 ! Ces décrets déterminent les conditions de mise en oeuvre du compte individuel de pénibilité. Dès le 1er janvier 2015, la tenue d’un compte individuel est obligatoire pour les salariés exposés à l’un des quatre facteurs suivants : travail de nuit, travail en horaires alternant, travail répétitif, travail en milieu hyperbare. De 2016 à 2020, la tenue de comptes individuels de pénibilité sera obligatoire pour les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges, l’exposition aux agents chimiques, aux vibrations mécaniques, aux températures extrêmes et au bruit. Les décrets sont pris en application de la loi du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites. Chaque année, pour chaque salarié répondant aux critères définis par ces décrets, l’employeur doit faire une déclaration individuelle à la CARSAT. Attention : pour chaque facteur de risque, il y a donc des définitions règlementaires très précises et des seuils d’intensité et de durée d’exposition au-delà desquels la déclaration est obligatoire. Elle ouvre droit à un décompte de points. A terme, le cumul de ces points permet au salarié de faire valoir le droit à une formation, à une réduction du temps de travail ou à un départ en retraite anticipée à taux plein, au titre d’une compensation. C’est le volet social de ces textes.

“De nombreux congressistes estiment que, partant d’une bonne idée, on arrive sur un dispositif très, très compliqué. Et très limitatif”

E&S: Cette définition est très règlementaire…

BP : Oui ! Actualité oblige… Mais la pénibilité peut et doit se définir et se comprendre en dehors de ces textes. Ceux-ci sont d’ailleurs très limitatifs. Par exemple, les risques psychosociaux ne sont pas pris en compte. Et pour les dix facteurs de risques dont je viens de parler, les définitions et seuils règlementaires sont excluant. Ils excluent de la « pénibilité légale et règlementaire » nombre de salariés. Car ces seuils sont difficiles à atteindre. Donc, accumuler des points n’est pas à la portée de tous… Certains s’interrogent d’ailleurs sur le bien-fondé scientifique de ces différents critères. Mais ils existent. Et ils s’imposent à nous.

E&S: En pratique, quels en sont les impacts pour les entreprises ?

BP : L’impact est d’abord financier. Si le facteur de risque existe : il fait l’objet d’une déclaration en application de la règlementation. L’entreprise devra une cotisation supplémentaire. Pour un risque, tel taux de cotisation. Pour deux risques et plus, un autre taux… Il y a également un impact pour ses orientations en matière de prévention : l’entreprise se préoccupe, en priorité, des risques visés par la règlementation. Avec un effet pervers éventuel : l’entreprise ne se focalise plus que sur ces risques en matière de prévention. Par exemple, pas de prévention du risque psychosocial ! Ou bien moins de prévention du risque routier, alors qu’il s’agit de la première cause de mortalité par accident du travail. En santé au travail, il faut savoir ne pas mettre le focus exclusivement sur un risque. Sur ce point, l’approche par branche professionnelle est pertinente : elle permet d’aborder l’ensemble des risques d’un métier.

E&S: Pourquoi élargir la réflexion au-delà de ces textes ?

BP : Les textes ouvrent des droits à une compensation sociale accordée en cas d’exposition à des facteurs de risques, définis sur des critères stricts de niveaux et de durée. En dessous : pas de compensation ; au dessus : compensation possible pour le salarié exposé. Pour financer les mesures de compensation sociale, l’employeur paie donc une cotisation supplémentaire. C’est une avancée réelle sur le plan social. Mais, l’employeur a aussi une obligation de prévention en matière de sécurité et de santé au travail de son ou ses salariés. Il ne faut pas l’oublier ! Sous cet angle, il faut bien avoir une réflexion qui va au-delà des critères définis par les textes en matière de compensation. Il en va de la performance d’une entreprise. Préserver l’humain, c’est préserver l’entreprise ! Surtout à une époque où la durée de vie professionnelle augmente.

E&S: Quels enseignements le Congrès de Lille a-t-il apporté ?

BP : Le thème de la pénibilité a été très porteur. Les congressistes ont exprimé de très grandes attentes. Les services de santé au travail ont un rôle majeur en matière de prévention de la pénibilité. Les textes règlementaires donnent un cadre sur le volet social. Quant au volet prévention, beaucoup reste à inventer. Les priorités définies par les plans nationaux ou régionaux de santé au travail portent sur des facteurs de pénibilité. L’approche pluridisciplinaire, développée au sein des services de santé au travail, est incontournable. Une question persiste : que faire pour améliorer la situation des salariés intérimaires ou précaires ? En effet, que ce soit pour le volet prévention ou le volet social, ils risquent de passer à côté de leurs droits… Et pour la fonction publique ? Beaucoup de questions sont encore en suspens… Enfin, de nombreux congressistes estiment que, partant d’une bonne idée, on arrive sur un dispositif très, très compliqué. Et très limitatif.

E&S: Comment faire ? Comment réussir la prévention de la pénibilité au travail ?

BP : Partager les expériences et développer les échanges de pratiques. A ce sujet, les services de santé au travail peuvent apporter une contribution majeure. Car ils conseillent toutes les entreprises, dans le strict respect des secrets de fabrication et du secret médical. Des entreprises de grande taille travaillent sur des logiques « métiers » : à tel métier, correspondent telles actions pour réduire la pénibilité. Ces approches sont importantes à partager avec des PME ou TPE. Par ailleurs, l’information et la formation ont toute leur importance. Enfin, garder une vision globale des situations de travail. Préserver l’humain et ne pas oublier l’expression des salariés. Comprendre le salarié, le collectif, l’organisation de l’entreprise et son historique.

E&S: Quels conseils donner à une TPE ou une PME ?

BP : Le dispositif est complexe. Il faut donc ne pas hésiter à s’adresser à son service de santé au travail, qui peut aider l’entreprise. Sans faire à sa place. Le service de santé au travail a une mission de conseil. Il peut donc aider à l’élaboration d’une politique de prévention et de plans d’actions.

Partager les expériences et développer les échanges de pratiques

Journal Officiel du 10 octobre 2014


Décret n° 2014-1155 du 9 octobre 2014 relatif à la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, aux modalités de contrôle et de traitement des réclamations
Décret n° 2014-1156 du 9 octobre 2014 relatif à l’acquisition et à l’utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité
Décret n° 2014-1157 du 9 octobre 2014 relatif au fonds de financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité
Décret n° 2014-1158 du 9 octobre 2014 relatif au document unique d’évaluation des risques et aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité
Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité
Décret n° 2014-1160 du 9 octobre 2014 relatif aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité

Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité


4 facteurs de pénibilité à partir du 1er janvier 2015
Travail de nuit : une heure de travail entre minuit et 5 heures pour une durée minimale de 120 nuits par an.
Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre minuit et 5 heures, avec une durée minimale de 50 nuits par an.
Travail répétitif : Temps de cycle inférieur ou égal à une minute ou 30 actions techniques ou plus par minute avec un temps de cycle supérieur à 1 minute, pour une durée minimale fixée à 900 heures par an.
Travail en milieu hyperbare : interventions réalisées sous une intensité minimale de 1200 hectopascals pour une durée minimale de 60 interventions ou travaux par an.

6 facteurs de pénibilité à partir du 1er janvier 2016
Manutentions manuelles de charges : lever ou porter des charges unitaires minimales de 15 kg, pousser ou tirer des charges unitaires minimales de 250 kg, déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au dessus des épaules pour une charge unitaire minimale de 10 kg, pour une durée minimale de 600 heures par an ; cumul de manutentions et de charges pour une intensité minimale de 7,5 tonnes cumulées par jour, pour une durée minimale de 120 jours par an.
Postures pénibles : maintien des bras en l’air à une hauteur située au dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés, pour une durée minimale de 900 heures par an.
Vibrations mécaniques : vibrations transmises aux mains et aux bras pour une valeur minimale d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 2,5 m/s² et pour une durée de 900 heures par an ; vibrations transmises à l’ensemble du corps pour une valeur minimale d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 0,5 m/s² et pour une durée minimale de 450 heures par an.
Agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R-4412-3 et R-4412-60, y compris poussières et fumées : exposition à un agent chimique dangereux relevant d’un ou plusieurs classes ou catégories de danger définies à l’annexe I du règlement (CE) 1272/2008 et figurant dans un arrêté du ministère du travail, le seuil est déterminé pour chacun des agents chimiques dangereux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou le contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en oeuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté du ministre chargé du travail et du ministre chargé de la santé.
Températures extrêmes : température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius pour une durée minimale de 900 heures.
Bruit : exposition au bruit rapporté à un période de référence de 8 heures d’au moins 80 décibels(A) pour une durée minimale de 600 heures par an ou exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels(A) pour une durée minimale de 120 fois par an.

Ancien interne en Médecine du Travail (Lille – promotion 1987,) elle effectue dès 1989 des remplacements dans différents services interentreprises ou autonomes de la région. Pendant 3 ans, elle exerce comme médecin du travail en services inter-entreprise dans le Nord-Pas-de-Calais. En 1994-1995, elle devient Chef de Clinique au CHRU de Lille. A partir de 1995, elle intègre le groupe Renault et devient médecin du travail en service autonome. D’abord à l’usine MCA de Maubeuge pendant 5 ans, puis chez Renault à l’usine Georges Besse de Douai. Aujourd’hui, elle est médecin responsable du service médical de cette usine, qui comprend 3 médecins, 6 infirmier(e)s de santé au travail et une secrétaire médicale.

•1991 : Doctorat de médecine
•1991 : DES de Médecine du travail (Diplôme d’Etudes Spécialisées)
•Novembre 1993 – Novembre 1995 : Chef de clinique au CHU de Lille
•1997 : DEA de Droit social (Diplôme d’Etudes Approfondies)
•1987 : DU Réparation du dommage corporel (Diplôme d’Université)
•1991 : DEST en Ergonomie du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

Brigitte Pamart est en outre :
Membre de la Commission Régionale de Prévention des Risques Professionnels Nord Pas de Calais, au titre de personne qualifiée.
Membre du Conseil d’administration de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France.
Membre de la commission pédagogique de la FMC de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France.
Membre du Réseau « addiction et travail » (depuis sa création en 1993).

Présidente du Groupement des Médecins d’Entreprise (GME), Brigitte Pamart met ses compétences au service du partage d’expériences et de connaissances.

(Publié dans le N°28 : Tous connectés et la santé dans tout cela ? ) le 17/11/2014

A PHP Error was encountered

Severity: Notice

Message: Undefined index: navSearchListURL

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258

A PHP Error was encountered

Severity: Notice

Message: Undefined index: navURLs

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258

A PHP Error was encountered

Severity: Warning

Message: in_array() expects parameter 2 to be array, null given

Filename: frontoffice/mag-detail.php

Line Number: 258