4 points de vue

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Gérard Couteux, médecin du travail AST 62-59,Denis Delesalle, formateur PST Formation, coach d'entreprise, Véronique Gibbe, médecin du travail MTA, Stéphanie Devauchelle, psychologue clinicienne CSAPA de Friville-Escarbotin, ASMIS

Gérard Couteux est médecin du travail à l’AST 62-59 (Arras-Béthune-Hénin-Lens). Il a participé à la mise en place des actions de prévention dans plusieurs entreprises de son secteur : « il reste encore beaucoup de travail d’information auprès des entreprises pour pallier le risque alcool ».

• Dans notre société, l’alcool reste un psychostimulant ou un anxiolytique pour une partie de la population. Les risques psychosociaux nous le montrent bien. Les difficultés des salariés à accomplir leurs tâches, dans un milieu de travail où l’aide des collègues n’est pas évidente et où la hiérarchie gère quelquefois mal le « management » des équipes, apporte un lot de souffrance. Pour certains, l’alcool apporte un réconfort… ».
• « L’entreprise est encore un lieu de consommation. Les pots de service sont encore présents avec, bien sûr, le respect des boissons d’échange « sans alcool ». Il est également difficile de faire disparaître toute boisson alcoolisée dans les restaurants d’entreprise. Les paniers de fin d’année sont garnis de boissons alcoolisées. Les comités d’entreprise ont, dans leur offre d’achat, des lots de boissons alcoolisées ».
• « À partir du 1er juillet 2012, l’alcootest est obligatoire à bord de tout véhicule. L’entreprise est donc dans l’obligation de mettre à disposition 1 ou 2 alcooltests par véhicule de société. C’est l’occasion de rappeler la politique de l’entreprise vis-à-vis de l’alcool sous forme d’une note de service lors de la remise des alcootests ».
• « La TPE/PME doit savoir repérer les personnes en difficulté avec l’alcool. Tout comportement anormal sur le lieu de travail doit servir à s’interroger et à interroger la personne sur ses difficultés. L’entreprise peut prendre contact avec le médecin du travail qui est son conseiller pour les problèmes de santé de son personnel. Les petits incidents au travail ou les malaises au travail sont quelquefois inconnus par le médecin du travail si l’entreprise ne le tient pas informé ».
• « La loi du 20 juillet 2011 précise dans son article L 4666-2 du code du travail : les Services Interentreprises de Santé au Travail (SIST) conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants, sur les dispositions et mesures afin de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail ».
• « Si le salarié sait parler de son problème alcool dans l’entreprise, c’est gagné. La question qui suit est : voulez-vous vous faire aider ? ».

« Je suis devenu abstinent le 27 juin 1993, mais l’alcool ne m’a pas lâché comme cela », nous déclare Denis Delesalle. Entre autres cheminements, cet ancien cadre commercial a passé son Diplôme d’Université en Alcoologie. Depuis 12 ans, il est coach d’entreprise. Il nous donne son point de vue en temps que formateur à PST Formation.
• « L’alcool influe sur la sécurité, les performances et la santé. Face à l’alcool, l’entreprise doit réaffirmer ses responsabilités. Si les soins relèvent des professionnels de santé, la relation à l’alcool concerne chacun d’entre nous ».
• « L’alcool est une mauvaise réponse à une bonne question. Si un peu d’alcool peut augmenter les performances, l’intoxication les diminue et la dépendance les détruit. L’entreprise peut accompagner les personnes en difficulté dans le cadre professionnel ».
• « Il faut écouter ce qui se passe. On peut aider l’entreprise à prendre conscience d’une situation et de son ampleur. La solution est chez la personne. Souvent, la direction se rend compte… mais ne sait pas comment s’y prendre ».


• « L’entreprise doit définir un cadre vis-à-vis de l’alcool, dans le champ de ses responsabilités : conduites à tenir en cas d’intoxication, d’ivresse et de pot ».
• « L’entreprise définit ainsi une « politique du risque alcool », qui peut prendre la forme d’une charte, qui a valeur de méthodologie concertée et partagée. La direction ou « Tête de l’entreprise» définit cette politique concertée. Elle est aidée par des intervenants extérieurs ».
• « Les adjoints de la direction, le management ou « Système nerveux de l’entreprise » sont garants de la mise en place de cette politique du risque alcool. La formation joue un rôle capital. Elle donne des outils dans le cadre managérial. Par exemple : comment aborder le sujet « alcool » et la personne « alcoolique » ? ».
• « Le personnel ou « Membres de l’entreprise » doit être informé. Cette information est l’occasion de changer de regard collectif sur « l’alcool » et « l’alcoolique ». Le tabou est levé. L’alcoolique peut sortir du déni ».
• « Dans une petite entreprise, la démarche se met en place rapidement et efficacement. Des formations et des accompagnements peuvent être organisés en inter-entreprise ».

Véronique Gibbe est médecin du travail référent pour l’alcool au Service de Santé au Travail de l’Aisne (MTA). Elle a participé au programme Entreprise de Picardie en Santé sur le bassin de vie de la Thiérache : « lever le silence, être prêt face aux situations aiguës, pouvoir orienter un salarié, développer la prévention, c’est possible ! ».
• « En tant que médecin du travail, nous rencontrons des personnes qui ont des relations à l’alcool très différentes : les buveurs excessifs et dépendants d’une part, ceux qui s’alcoolisent en pointillé d’autre part, avec une augmentation de la consommation sur les périodes de congés pour certains, sur les périodes de travail pour d’autres ».
• « L’entreprise est le reflet de la société. L’alcool a sa place dans la société. Pourquoi en serait-il autrement dans l’entreprise ? La consommation a lieu en dehors de l’entreprise. Cependant, quelques entreprises sont dites « alcoolophiles » et sont des lieux de consommation habituels ».
• « L’entreprise peut aider les salariés. A condition d’avoir des messages clairs, des règles structurantes, des protocoles à suivre. Ils doivent être bien compris par chacun. Mais, en premier lieu, il faut arriver à lever le tabou et le déni».

« On ne sait jamais quand la personne dépendante aura le « déclic » pour se faire soigner. Il n’y a rien de pire que de fermer les yeux et de laisser faire. Il faut être prêt à entendre la demande d’une personne ».

« Il y a beaucoup de souffrance liée à l’alcool. Les contremaîtres et les collègues la repèrent très vite. Ils ne savent pas trop quoi faire. L’équipe de santé au travail, sous la conduite du médecin du travail, peut apporter conseils, informations, formations et accompagnements ».

« Le Service de Santé au Travail a un rôle de conseil auprès des salariés, des employeurs et des partenaires sociaux (Délégués du Personnel, Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail).Le médecin du travail connaît les salariés et l’entreprise. Il connaît les structures de prise en charge les plus proches. Il peut orienter un salarié. Il peut préparer le retour au travail suite à une cure de sevrage. Cela est essentiel ».

« L’idéal serait que les médias, l’école, l’entreprise diffusent les mêmes messages. Tout le monde pourrait avoir une attitude commune : salariés, professionnels de santé et du champ social, employeurs, pouvoirs publics ».

Stéphanie Devauchelle est psychologue clinicienne. Elle travaille à mi-temps au Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie de Friville-Escarbotin. Elle est à mi-temps au Service de Santé au Travail de la Somme (ASMIS), au sein duquel elle a participé au programme Entreprise de Picardie en Santé.

• « L’alcool reste une question délicate à aborder dans l’entreprise. Le chef d’entreprise est souvent démuni. Sauf quand il existe une conduite bien identifiée dans l’entreprise sur des problématiques précises. Par exemple, le test d’alcoolémie dans une entreprise de transport… ».
• « Les entreprises ne sont pas toutes égales pour prendre en compte les difficultés des salariés qui s’alcoolisent, mais celles qui sont sensibles à la prévention sont mieux « armées » pour proposer une aide, orienter un individu en besoin…
• « Pour le soin, il faut raisonner au « cas par cas ». Le médecin du travail peut être sollicité par un salarié. Il peut l’aider dans la prise de conscience de ses difficultés avec l’alcool et l’orienter. Le CSAPA le plus proche est là pour la prise en charge ».
• « Avec le « problème Alcool », il est indispensable de se donner du temps. Lorsque la question ne concerne qu’un salarié désigné, la réponse collective n’est pas indiquée comme l’aide la plus efficace ».
• « Les entreprises sont souvent plus à l’aise avec le tabac. Avec l’alcool, c’est souvent plus épineux. Car le salarié se sent menacé dans sa place. Dans le soin, le déni n’existe pas. Il est donc intéressant de faire un relais avec des professionnels du soin pour développer la prévention en entreprise ».
• « Les entreprises choisissent souvent d’aborder la question de l’alcool sous forme de forums. Contrairement au tabac, il est difficile de mettre en place des groupes de travail sur l’alcool. Il faut prendre le temps nécessaire ».
• « Le discours de l’employeur, de type «nous n’avons pas de problème », masque parfois la réalité du salarié, puisque c’est seulement hors entreprise que l’alcool est consommé…».
• « Pour un salarié en difficulté et qui demande une aide, il faut prévoir qui donnera le conseil. S’il y a une demande, il faut une orientation ».
• « Pouvoir dire, c’est déjà tendre la main. Il faut pouvoir se parler sans jugement ».

(Publié dans le N°18 : Alcool que veux-tu ? ) le 15/06/2012

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