Je crois d’abord au capital humain que constituent les salariés d’une entreprise.

Xavier Bertrand est ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé. Trois domaines essentiels pour chacun d’entre nous. Entreprise et Santé est diffusé auprès de 80 000 entreprises et a valorisé, en 2 ans, plus de 200 actions de santé au travail. Des actions réalisées au sein des entreprises, grâce aux compétences médicales, scientifiques et techniques de leurs Services de Santé au Travail. Echangeons avec le ministre de tutelle, à un moment ou une réforme concernant les Services de Santé au Travail est en débat au Parlement.
1/ Monsieur le ministre, merci de nous accueillir. Sur un plan général, quelle est la place de la santé au travail, au sein d’une entreprise ?
XB : Je suis convaincu qu’il n’existe pas d’entreprise rentable et compétitive à terme sans un investissement fort sur les questions d’organisation et de conditions de travail. Je crois d’abord au capital humain que constituent les salariés d’une entreprise.
2/ Vous êtes ancien agent général d’assurances. Ceci vous confère une expérience parti culière en matière de « gestion des risques ». Une question sur le fond : le risque zéro existe-t-il ? Et une question corollaire : vaut-il mieux prévenir ou indemniser ?
XB :Bien sûr, le risque zéro n’existe pas mais le premier fondement d’une démarche de prévention est d’éviter le risque ! La prévention n’est pas exclusive de la réparation, notamment lorsqu’elle s’est montrée insuffisante à éviter un préjudice. Cela dit, d’un point de vue tant économique que social, les entreprises ont tout intérêt à investir le champ de la prévention des risques professionnels, pour permettre aux salariés de travailler plus longtemps et en bonne santé. Les conditions de travail sont donc une des clés de l’emploi des seniors ou de la lutte contre la pénibilité.
3/ Les risques professionnels et la santé au travail sont-ils des facteurs de compétitivité qui développent l’entreprise ou des charges supplémentaires qui la freinent dans son développement ? Et cela, sur des marchés de plus en plus concurrentiels…
XB : La question des conditions de travail est bien sûr un enjeu social. Mais c’est aussi un enjeu de compétitivité. Un poste de travail mal organisé c’est tout à la fois une atteinte à la santé du salarié et une perte de productivité. Nous aurons gagné cette bataille lorsque nous aurons réussi à faire passer à toutes les entreprises ce message.
4/ En matière de sécurité et santé au travail, au regard de la jurisprudence, l’employeur a une obligation de résultat vis à vis de ses salariés. Pour vous, les principes de responsabilité des employeurs sont ils sujets à évoluer ?
XB : Ce principe est le fondement même de toute la réglementation française en matière de santé et de sécurité au travail et c’est également un principe fondateur du droit communautaire. La démarche de prévention des risques doit donc être mise en place par l’employeur. Une jurisprudence importante s’est développée autour de cette notion pour faire de l’obligation de sécurité une obligation de résultat. Je suis néanmoins attentif aux solutions jurisprudentielles qui tendent à renforcer cette responsabilité, même en dehors de toute atteinte à la santé des salariés.
5/ Les enjeux et les moyens ne sont pas les mêmes entre un artisan et un établissement appartenant à un grand groupe… Comment prendre en compte les spécificités territoriales, les différences de taille, les secteurs d’activité des entreprises, en matière de prévention des risques professionnels ?
XB : En effet, les enjeux ne sont pas les mêmes selon les secteurs d’activité et selon les territoires. C’est pourquoi le plan santé au travail 2010-2014 définit des priorités pour l’action des pouvoirs publics (les troubles musculo-squelettiques, les risques psychosociaux…) pour des populations plus vulnérables (par exemple seniors) et cible des secteurs où le risque est le plus élevé en termes d’accidents (BTP, secteur agricole…). Les plans régionaux de santé au travail préparés par les DIRECCTE permettent d’adapter localement, la stratégie de santé au travail et d’organiser des actions de prévention.
6/ Comment voyez-vous l’avenir de la visite médicale systématique et de l’aptitude médicale au poste de travail ?
XB : La visite médicale est importante mais ne doit pas être vue au travers du seul prisme de l’aptitude du salarié. C’est un acte qui contribue à la protection de la santé des salariés. Ce n’est d’ailleurs qu’un volet du suivi des salariés, l’autre étant constitué par l’action collective en milieu de travail.
7/ Plusieurs Services de Santé au Travail développent un suivi de santé au travail des salariés, réalisés sous l’autorité de médecins du travail, avec des infirmiers ou infirmières de santé au travail. Que pensez-vous de cette évolution ?
XB : Cette évolution me paraît très intéressante et rejoint les orientations que je souhaite donner aux Services de Santé au Travail. La notion d’ « équipe », animée par le médecin du travail, à laquelle participent des infirmiers ou infirmières ainsi que les ergonomes, ingénieurs, métrologues… enrichit l’action des services et surtout permet une approche plus transversale de la santé au travail.
8/ Depuis 1946, un mot n’a pas changé dans les différentes réformes relatives à la Médecine du Travail : «le médecin du travail est le conseiller des salariés et des employeurs ». En 2002, les Services de Médecine du Travail sont devenus officiellement, par décret, Services de Santé au Travail.. S’agit-il d’un simple changement de nom ? Ou bien cela engage-t-il la réalisation de nouvelles missions auprès des entreprises ?
XB : Derrière le changement de dénomination, conformément à la réglementation européenne, il y a une autre conception de l’action des services. En effet, devant la complexité croissante des risques (nouvelles substances, nanotechnologies…) il est apparu indispensable d’organiser la « pluridisciplinarité », qui s’est considérablement développée au cours des 7 dernières années. Ces compétences médicales et pluridisciplinaires sont complémentaires les unes des autres et constituent pour les entreprises, en particulier les TPE, un appui précieux.
9/ De nombreux Services de Santé au Travail ont embauché des infirmières, des ingénieurs et des techniciens, des ergonomes, des toxicologues, des psychologues, des travailleurs sociaux, des juristes, etc… Le médecin du travail peut ainsi s’entourer d’une équipe pour conseiller le chef d’entreprise et ses salariés sur les questions de santé au travail. Qu’en pensez-vous ?
XB : Le médecin du travail et plus largement le Service de Santé au Travail ont une mission de prévention de la santé des salariés des entreprises dans lesquelles ils interviennent. Le juge reconnaît aussi aux médecins du travail une place particulière de conseil auprès de l’entreprise : c’est à la fois une valorisation de cette activité et une responsabilité dont ils doivent prendre toute la mesure, même si, au final l’obligation « de résultat » en termes de sécurité pèse bien sur l’employeur.
10/ Les employeurs sont donc responsables juridiquement au sein de leur entreprise et ils assurent le financement des Services de Santé au Travail. N’est-ce pas logique et normal, voire essentiel, qu’ils assurent la présidence de ces services ?
XB :La question de la gouvernance des services est importante. Je souhaite en premier lieu rappeler mon objectif : que la règlementation permette de garantir le bon fonctionnement des Services de Santé au Travail, afin qu’ils puissent jouer le rôle qui est le leur. Aujourd’hui, certains services sont paritaires, d’autres, les plus nombreux sont gérés par un conseil d’administration majoritairement patronal et contrôlés par une « commission de contrôle » majoritairement syndicale. L’essentiel est donc de trouver le point d’équilibre qui permette à chaque partie de jouer son rôle.
11/ S’agissant des questions de santé au travail, le dialogue social est une condition de réussite. Quel est votre point de vue ? Comment le développer ce dialogue social ?
XB : On ne peut véritablement avancer en la matière que s’il y a un dialogue social et de la négociation collective sans oublier néanmoins que la responsabilité finale appartient au chef d’entreprise.
12/ Face à l’Europe, quel est l’avenir de la santé au travail en France ? N’est-on pas en retard par rapport aux directives européennes ?
XB : En matière de santé et de sécurité, depuis l’élaboration des premières directives sociales, je dirais au contraire que la France joue un rôle moteur dans la promotion d’une Europe sociale ambitieuse. Ainsi, encore récemment, lorsque le règlement REACH a été adopté, en 2006, nous avons défendu le principe d’une inclusion des nanotechnologies dans le règlement. De même, en matière d’amiante, l’interdiction posée par la France en 1996 a influencé le contenu de la directive de 2003.
13/ Une dernière question très locale… Vous êtes élu de Picardie, plus précisément député-maire de Saint Quentin. Avez-vous un message particulier pour les entreprises de Picardie et du Nord – Pas-de-Calais ?
XB :Que le Nord et la Picardie et les entreprises de ces régions qui ont tant fait pour la construction d’un tissu industriel et d’un modèle social soient exemplaires et soient en capacité de montrer la voie à suivre aux entreprises des autres régions.
BIOGRAPHIE express:
Xavier Bertrand est né le 21 mars 1965 à Châlons-sur-Marne (Marne). Il est diplômé d’une Maîtrise de droit public et d’un DESS d’administration locale. De 1992 à 2004, Xavier Bertrand a été agent général d’assurances.
Fonctions électives
• Maire de Saint Quentin (octobre 2010)
• Vice-président de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin (Aisne), de mars 2001 à mars 2008
• Adjoint au maire de Saint-Quentin (Aisne), de juin 1995 à mars 2008
• Membre de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin, de janvier 1995 à janvier 2001
• Membre du conseil général de l’Aisne, de mars 1998 à juillet 2002
• Membre du conseil municipal de Saint-Quentin (Aisne), de mars 1989 à juin 1995 Fonctions Ministérielles
• Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, depuis novembre 2010
• Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, de mars 2008 à janvier 2009
• Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, de juin 2007 à mars 2008
• Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, de mai 2007 à juin 2007
• Ministre de la Santé et des Solidarités, de juin 2005 à mars 2007
• Secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie, auprès du ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, de novembre 2004 à mai 2005
• Secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie, auprès du ministre de la Santé et de la Protection sociale, de mars 2004 à novembre 2004
REPERES
En France, globalement, 1 650 000 TPE-PME apportent du travail à 70 % des 18 000 000 de salariés du secteur privé. Depuis 1946, en France, les entreprises privées prennent à leur charge les visites médicales systématiques, réalisées par des médecins du travail, afin de délivrer à leurs salariés un avis d’aptitude ou d’inaptitude médicale au poste de travail. Au total, sur 60 ans, près d’un milliard de visites médicales…
En Europe, la moitié des médecins du travail exercent en France. Sur 6500 médecins du travail exerçant en France en 2010, trois sur quatre ont plus de 50 ans. Sur 1700 départs en retraite prévus en 2012, 300 jeunes médecins du travail arrivent…
Par leurs cotisations, les entreprises financent les Services de Santé au Travail, qui sont des associations sans but lucratif. Pour le Nord – Pas-de-Calais et la Picardie cela représente plus de cent millions d’euros par an. En retour, elles bénéficient d’un suivi de santé au travail des salariés, et de prestations de conseils et d’études, d’information et de sensibilisation de plus en plus spécialisées et de plus adaptées à chaque entreprise.
Une TPE ou une PME ne peut pas se payer des prestations de conseils hautement spécialisés et de suivi de santé au travail au prix réel. La mise en commun de moyens, à travers leurs adhésions à un Service de Santé au Travail, leur permet ainsi d’accéder à des moyens et des compétences spécialisés en santé au travail.
(Publié dans le N°13 : L'etiquette nous parle) le 29/03/2011
A PHP Error was encountered
Severity: Notice
Message: Undefined index: navSearchListURL
Filename: frontoffice/mag-detail.php
Line Number: 258
A PHP Error was encountered
Severity: Notice
Message: Undefined index: navURLs
Filename: frontoffice/mag-detail.php
Line Number: 258
A PHP Error was encountered
Severity: Warning
Message: in_array() expects parameter 2 to be array, null given
Filename: frontoffice/mag-detail.php
Line Number: 258